Des Arabes comme les autres ?
S’identifier comme « Juif Arabe » en France aujourd’hui pour des personnes juives dont l’ascendance est née au Maghreb ou au Machreq
Yaël DZ / Dessins : Raphaëlle Elalouf • 4 décembre 2025
Comment se désigner quand on est un Juif issu d’Afrique du Nord ? Et que signifie le mot « Arabe », comme deuxième substantif, comme adjectif, chez ceux qui le revendiquent ? C’est la question à laquelle Yaël DZ a cherché à répondre l’an dernier dans le cadre d’une formation à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, et dont elle livre ici ses principales conclusions. Elle dresse ici un portrait collectif de ces « Juifs-Arabes », qu’elle comprend bien qu’elle ne se désigne pas elle-même ainsi, et fait preuve d’une réflexivité rare.
Sépharades ? Juifs-Arabes ? Juifs d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient ? Juifs du monde arabe ? Juifs Mizrahim ? Juifs d’Orient ou Juifs orientaux ?
Le débat de dénomination suscite beaucoup de conflits, tant il charrie de questions traumatiques et irrésolues : les persécutions antisémites, l’exil, l’absence de reconnaissance et de réparation de la part des pays arabes, la nostalgie d’un passé qui n’existe plus ou n’a jamais existé, mais aussi la relation avec Israël et le sionisme. Les deux termes, Juif et Arabe, sont souvent opposés l’un à l’autre. Aussi, quand certains se qualifient de « Juif-Arabe », cela suscite beaucoup d’interrogations. L’arabité est perçue pour certains comme fondamentalement extérieure à l’expérience de la judéité, tandis que pour d’autres, la judéité relève du confessionnel et donc peut être une composante de l’arabité. Cette dernière conception permet également de considérer uniquement les Juifs comme une minorité religieuse et dénier leur droit à l’auto-détermination en tant que peuple.
Avant de commencer, plusieurs présupposés pourraient nous empêcher de saisir l'usage actuel du terme Juif-Arabe. Le premier est que le terme serait une négation de l’antisémitisme vécu en terre arabe. Le second est qu’il est employé par antisionisme. Or, s’il fait bien débat, il est apparu au cours de cette recherche réalisée auprès de dix personnes juives dont l’ascendance est née au Maghreb ou au Machreq¹, des récits et parcours balayant les idées reçues sur ces deux points.
La recherche présentée dans cet article a été réalisée dans le cadre d’une formation à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme², elle propose d’analyser les ressorts de cette identité dont il est ici présenté des extraits. Pour cela, le choix s'est porté sur une enquête qualitative auprès de 10 personnes s’identifiant à ce terme. Cela n’a pas vocation à être un échantillon représentatif de la judaïcité française, mais cela permet modestement de cerner les contours et les enjeux liés à la notion.
L’expression « Juif Arabe » peut être employée par certains pour fustiger Israël et le sionisme dans la manière dont ont été traités les Juifs yéménites et marocains à leur arrivée, puis les discriminations qu'ils ont subies au sein de l’Etat d’Israël. Des chercheurs comme Ella Shohat et Sami Shalom Chetrit ont employé ce terme après son utilisation par le militantisme des Mizrahim en Israël, en protestation aux discriminations. Mizrahim, traduit de l'hébreu par « Orientaux » fait référence aujourd’hui à l’ensemble des Juifs non-Européens, englobant dans une conception très élargie, les Juifs d’Asie centrale, du Machreq et du Maghreb. Ces intellectuels sont critiques à la fois des récits nationaux sionistes et des politiques israéliennes menées à l’égard des Palestiniens³. D’autres vont au contraire souligner le fait que la notion de « Juif Arabe » vient du militantisme antisioniste et qu’elle est rejetée par une majorité de Mizrahim, qui rappelle que l’existence des Juifs dans les sociétés arabes, tout comme dans les sociétés européennes, a été conditionnelle⁴.
On distingue l’identité qui nous est imposée, celle de l’expérience vécue, de l'identité choisie, d’affiliation, comme un processus idéologique qui est individuel ou collectif. Les deux ne sont pas forcément séparées ou immuables, il existe une interaction dynamique entre elles. Or, historiquement, avec quelques exceptions, les Juifs n’ont pas été perçus dans les sociétés arabes comme Arabes, ni par eux-mêmes, ni par les autres. Rappelons donc que si certaines personnes utilisent ce terme, ce n’est pas parce que cette identité existait dans le passé. En effet, le terme « Juifs Arabes » n’est employé par les universitaires qu’après 1970, quand les Juifs ne sont déjà plus présents dans ces pays⁵. Il s’agit ainsi d'une identité d’exil : l’immense majorité de ces communautés juives et leurs descendants vivent ailleurs. De la même manière, le moment historique où l'identité arabe s'est façonnée dans le monde arabe linguistique correspond au même moment où les Juifs ont émigré en masse. En effet, jusque dans les années 1950, les personnes non-juives habitant le Maghreb ou le Machreq ne s’identifient pas non plus comme Arabes, sauf une petite minorité qui adhère au nationalisme panarabe⁶. Si des intellectuels juifs ont pu espérer faire partie des nations arabes et y participer activement jusque dans les années 1950 pour les pays du Machreq – en rappelant la participation de Juifs égyptiens et Juifs irakiens aux causes nationalistes, communistes et anticoloniales –, c’était au nom d’un projet national, sans l’ajout d’une culture ou identité arabe. Aujourd’hui, les intellectuels contemporains israéliens, qui affirment cette identité juive-arabe le font pour se dissocier d’une identité nationale israélienne qualifiée d’euro-centrée, et non par affiliation à une identité nationale arabe⁷.
Ainsi, bien que le concept contemporain soit formé principalement par des universitaires en réponse au contexte israélien avec la situation des Mizrahim, il faut s’extraire au moins partiellement de cette conception dans le contexte français. Si la majorité des Juifs du Maghreb et du Machreq, environ 600 000, a émigré en Israël, constituant depuis la majorité de la démographie juive du pays, une part importante a trouvé refuge en France, au Royaume-Uni, aux États-Unis, au Canada ou encore au Brésil. Les conditions de descendants de Juifs des pays arabes en Israël et en diaspora sont différentes ; et en diaspora, différentes selon les pays et les liens avec l'histoire coloniale de chaque pays. On peut ici mentionner le lien particulier avec la France des communautés juives du Maghreb, particulièrement l’Algérie.
Dix personnes s'identifiant au terme « Juif Arabe » ont été interrogées pour le mémoire dont est issu cet article. Parmi elles, une personne préfère le terme « Juif Maghrébin ». Le choix de se concentrer uniquement sur ceux qui adhèrent à cette affiliation, et non ceux qui la rejettent, permet de mettre en évidence leurs expériences communes, objectif fixé à l'origine de cette recherche. Ils sont âgés de 24 à 47 ans, l’émigration en France a eu lieu à la génération de leurs parents ou de leurs grands-parents, des années 1930 jusqu’à la fin des années 1980. On entend par génération la notion formée par Karl Mannheim : une génération n’est pas seulement une classe d’âge, elle est formée par une expérience commune. Dans le cas présent, quelle expérience commune les conduit à s’identifier au terme « Juif Arabe » ?
Pendant les entretiens, plusieurs sont apparues comme flagrantes.
MirYad, Jardin mémoire de Tétouan, techniques mixtes
L’origine sociale.
Se définir par le terme « Juif Arabe », tout comme plus généralement être intéressé par ce sujet et réfléchir à son identité autrement que par les assignations imposées, suppose un capital culturel certain, et donc un processus d’ascension sociale au vu des conditions d’émigration des générations précédentes. Cela est confirmé par les récits des enquêtés.
Une provenance majoritaire du Maroc.
Le Maroc est l’un des pays d’origine ou le seul pays d’origine pour 7 d’entre eux. Sur les 10 enquêtés, 4 ont des membres de leur famille vivant dans le pays d’origine, dans 100% des cas il s’agit du Maroc, ce qui implique des visites régulières par l’enquêté ou sa famille. La surreprésentation du Maroc dans les réponses est expliquée par les répondant⋅es comme le résultat de la politique de l’État marocain. Au point que Gabriel⁸ qui a une mère née en Algérie, et un père au Maroc, a récemment pris la nationalité marocaine. Il raconte y aller régulièrement et affirme « c’est chez nous ».
La politique du pouvoir marocain est réputée plus ouverte par les enquêtés et permet aux Juifs descendants de ce pays de s’y identifier, à la différence d’autres pays.
Ce truc des Juifs d’Algérie, avec l'impossibilité du retour, ça marque forcément une différence, c’est vachement plus difficile de s'identifier en tant qu’Arabe, y a forcément une différence à marquer entre les Juifs et les Arabes. Le retour est impossible, alors que pour les Juifs marocains par exemple, c’est une question beaucoup moins prégnante, et qui est certainement liée beaucoup aussi au pouvoir marocain.
– Idit
Une arabité assignée.
80% des répondants racontent leur expérience d’être perçu⋅e comme Arabe, cela peut être ponctuel ou fréquent selon les récits. Dans ce cas, il s’agit d’une identité qui est assignée par autrui, et non d’une identité au sens d’une affiliation choisie. Il peut s’agir d’expériences vécues comme du racisme anti-arabe ou anti-maghrébin, ou bien comme des assignations identitaires, non perçues par l’enquêté comme du racisme.
Idit raconte ainsi aussi bien des expériences de racisme anti-arabe ou anti-maghrébin, – notamment de discrimination à l’embauche ou être suivie au supermarché par un vigile – que des moments où des personnes originaires du Maghreb vont lui parler en arabe.
Pour Noa qui est actrice, le fait que des personnes lui reconnaissent également une origine maghrébine implique que ses rôles sont ceux de femmes maghrébines, qu’elle distingue des femmes françaises et des femmes juives.
Du fait de l’histoire politique du Maghreb, l’identité arabe est systématiquement liée dans le discours politique de ces pays à l’islam⁹. Dans les représentations actuelles liées à l’histoire coloniale de la France, et à celle de l’immigration des travailleurs maghrébins , l’arabité est associée à l’islam, et inversement.
Sarah, sage-femme, raconte qu’elle s’est vue accusée par une collègue de « profiter » de porter la charlotte pour ne pas avoir à montrer ses cheveux et ainsi détourner la laïcité, quand une autre collègue le même jour s’est étonnée de la voir travailler le jour de l’Aïd.
Les deux hommes enquêtés racontent tous les deux des expériences de contrôle au faciès par la police en France. Pour Elie, il s’agit de son frère cadet.
Je suis moins stigmatisé arabe que mes frères très clairement. Je suis parti dans des milieux beaucoup plus bobos. On a tous grandi dans le XIXᵉ. Mon frère s’est fait contrôler devant son lycée plusieurs fois, il a passé plusieurs heures au poste, il a jamais rien fait de sa vie. Il a une sale gueule dans les critères des flics.
– Elie
L’antisémitisme comme préoccupation.
Cette identité arabe assignée s’ajoute à l’antisémitisme que tous les enquêtés déclarent comme étant une préoccupation, accrue depuis le 7 octobre, dont pour certaines personnes ils n’ont pas nécessairement fait l’objet individuellement, mais qui est subi collectivement dans une « ambiance antisémite », comme le dit Idit pendant l’entretien. Une majorité des enquêtés (7 d’entre eux) cache sa judéité. À la question s’ils déclarent être « Juifs Arabes » et auprès de qui, certains répondent que, hormis dans des cercles sociaux restreints, ils ne disent pas qu’ils sont juifs.
Sarah raconte par exemple avoir peur depuis le 7 octobre et ne pas célébrer l’anniversaire de son jeune fils à domicile pour éviter que des personnes inconnues voient les objets de liturgie juive qu’elle possède.
L’antisémitisme comme vécu et préoccupation pour les répondant⋅es n'a pas nécessairement de corrélation avec l’appellation « Juif Arabe », puisque c’est actuellement le cas de beaucoup de Juifs, quelle que soit la manière dont ils s’identifient. Toutefois, cela permet de comprendre que s’identifier à ce terme n’efface pas la crainte de l’antisémitisme et que le racisme anti-arabe ou les assignations à l’arabité ne supplantent pas l’antisémitisme pour les personnes interrogées.
À l'intersection de ces racismes, Elie raconte ce qu’il a vécu en tant que « juif oriental » :
Je me suis pris des trucs racistes type “La vérité si je mens”. Le Juif a été perçu comme un pied-noir pas comme les autres. Parfois je me rends compte que les gens se foutent de ma gueule en prenant un accent, alors que je sais que j’ai pas cet accent. La condition du juif oriental est un peu spéciale.
– Elie
Des ascendants majoritairement militants progressistes – notamment vis-à-vis des Palestiniens.
80% des répondant⋅es sont enfants ou petits-enfants de militants. Cet engagement est de nature différente puisqu’il y a à la fois des communistes, des antisionistes mais aussi des sionistes de gauche et des militants antiracistes.
Parmi les enquêtés, les parents ou grands-parents revendiquant eux-mêmes le terme « Juif Arabe » sont des militants communistes ou sont issus de cette tradition, c’est le cas pour Julia en Égypte, et pour Naima au Maroc. A la question du point de départ de l’utilisation de l’expression, Julia répond qu’elle lui vient de son grand-père, né au Caire en Égypte d’une mère juive irako-syrienne et d’un père juif irakien, arrivés en Égypte au début du XXᵉ :
C'est le terme [Juif Arabe] qu’utilisait mon grand-père et il était très fier, d’être français, juif et arabe [...] on est dans une tradition juive de gauche où il y a eu pas mal aussi d'emprisonnements politiques en Égypte de gens de ma famille parce qu’ils étaient communistes.
– Julia
Pour les autres enquêtés, si les ascendants n'utilisent pas le terme « Juif Arabe », ils sont néanmoins majoritairement militants.
Gabriel raconte que son grand-père maternel était au parti communiste algérien et son grand-père paternel, délégué syndical des facteurs à Casablanca. Ses parents ont accueilli au domicile familial pendant plusieurs années une jeune femme palestinienne. Gabriel est lui-même militant antiraciste et dit au sujet de son grand-père « Je pense que ça vient de là aussi ».
Cette filiation militante est également mise en avant par Chloé, dont les parents se sont rencontrés dans une association antiraciste. Elle dit avoir été « très sensibilisée » à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et l’exclusion.
Une proximité particulière revendiquée
En termes d’expérience commune entre les enquêtés, celle-ci est la plus massive : l’ensemble a dans son entourage proche des personnes musulmanes, arabes ou berbères. Plusieurs parlent d’un rapprochement évident, Idit l’évoque pour parler d’un vécu minoritaire commun vis-à-vis du racisme :
Une copine en 6e qui était arabe musulmane et avec qui y a eu un rapprochement quasi immédiat, avec qui on avait vraiment un vécu commun. [...] Il y a eu un truc d’identification fort aussi, voyant les gens être victimes de racisme, je pense que ça fait partie de la condition arabe minoritaire. Y a un sentiment de vécu partagé.
– Idit
Cette proximité particulière est également mentionnée par Chloé :
Je me sens aussi très proche de mes amis musulmans. En fait, il y a quelque chose de très culturel du rapport à l'autre de soutien, d’écoute que je retrouve particulièrement avec elles et eux.
– Chloé
Sarah, dont la conjointe est musulmane, évoque pendant l’entretien la relation avec une de ses meilleures amies décrite comme « maghrébine musulmane », avec qui un lien de connivence se crée pour qualifier de la même manière les personnes juives séfarades, musulmanes ou arabes :
J'ai une de mes meilleures amies qui est maghrébine musulmane. Et entre nous, quand on voulait parler de juifs séfarades ou d’Arabes ou de maghrébins musulmans, on disait toujours “les gens de chez nous”.
– Sarah
Depuis le 7 octobre, ils sont plusieurs à évoquer le soutien particulier de leurs proches musulmans, maghrébins ou arabes.
Après le 7 octobre j’ai eu 6 mois de sidération. J'arrivais pas à sortir des mots, y avait rien qui disait ma douleur. [...] Je pouvais en parler qu'avec des rebeus, et des feujs évidemment. Ceux qui m'ont demandé si ça allait le lendemain du 7 octobre, c’étaient des potes rebeus. Et notamment mon ex qui est marocain fils d’imam. Avec lui on s’est appelé direct, on était d'accord sur juste des évidences simples et ça m’a… C’est ces gens-là qui m’ont sauvée.
– Noa
Le 7 octobre, comme d’autres événements chocs de l’actualité, par exemple pour cette génération, le meurtre d’Ilan Halimi en 2006, l’assassinat des enfants à l’école Ozar Hatorah à Toulouse en 2012, et la série des attentats et de meurtres antisémites qu’ont vécus les Juifs en France dans les années 2010, ont été des « moments de prise de conscience et de réactivation identitaires » qui ont « favorisé (ou déclenché) la réaffirmation du lien communautaire »¹⁰. Cette observation est faite par Chantal Benayoun en 1993 concernant les guerres du Liban, Iᵉ Intifada et guerre du Golfe, pour les populations juives et arabes. Ce moment de prise de conscience et de réactivation identitaires n’entraîne pas pour les enquêtés de volonté de mise à distance ou d’hostilité vis-à-vis des populations arabes.
Au contraire, d’un point de vue politique, plusieurs militent pour un rapprochement : Chloé est militante dans une association qui vise à réconcilier les récits entre Juifs et musulmans en France. Léa le mentionne également clairement pendant l’entretien :
Il y a un enjeu de réconciliation entre juifs et arabes. C’est l’enjeu principal pour moi, de l’époque. C’est pas entre juifs et musulmans, c’est entre juifs et arabes.
– Léa
MirYad, Jardin mémoire de Tétouan, techniques mixtes
« Juif arabe » et non « Arabe juif »
Pour autant, cette identité n’est pas évidente. Elie fait par exemple part de ses réflexions concernant l’héritage juif-arabe ou des Juifs du Maghreb et du Machreq – et de l’ensemble des manières dont on souhaite les appeler. Ses réflexions témoignent du traumatisme vécu par ses ascendants, ainsi que de l’absence de reconnaissance voire du déni vis-à-vis de ces souffrances. Il rapporte ici la difficulté pour lui à se définir comme « Juif Arabe » en tout temps, et son rejet du terme Arabe juif, en étant traversé par cette histoire traumatique et de la manière dont les autres le perçoivent, au regard aussi d'un contexte social et politique donné.
Je suis Juif arabe mais je suis pas Arabe juif. Je suis très crispé quand on me dit ça. L’Arabe avec un grand A et le juif avec un petit j. Comme si j'étais un Arabe revêtu avec la petite écharpe de ma confession. C’est des gens qui arrivent pas à comprendre surtout quand ils viennent de pays multiconfessionnels ou avec des communautés chrétiennes. Du fait qu’on a été discriminé, non pas comme une croyance, mais comme un peuple. On nous a opprimés à certains moments dans cette société comme une ethnie. Je ressens de la crispation quand on me qualifie comme ça. Il y a un pan d’histoire qui est effacé quand on dit ça comme si c’était rien. C’est une histoire très traumatique pour des gens qui sont mes ancêtres pas très éloignés. [...] Le nettoyage ethnique des juifs des pays arabes¹¹, j’estime qu’il y a une souffrance qui est pas du tout reconnue. C'est pas se débattre avec les autres, c'est se débattre avec notre histoire. Je l’emploie [Juif Arabe] quand je dois spécifier. J’ai du mal de base. J’ai l’impression de trahir un petit peu, ou de pardonner quelque chose sans qu’il y ait de reconnaissance. C’est maintenant qu’on est plus là que les Arabes disent non mais vous êtes des Arabes ? Pourquoi vous seriez des Juifs ? Pourquoi vous auriez droit à un peuple, à une terre? Vous êtes des Arabes, votre religion c'est le judaïsme. C'est pardonner, sans les excuses.
– Elie
La conception d’Arabe juif, signifierait que la judéité est réduite à une confession religieuse, que certains Arabes pourraient donc avoir, comme un attribut, ce qu'Elie nomme une « petite écharpe » ; ce qui n’a majoritairement pas été possible pour les ascendants qui ont vécu dans les pays du Maghreb et du Machreq, et ce que pourtant certains déclarent a posteriori, une fois les Juifs partis. Nous avons vu que ce n’était pas la manière dont les Juifs qui ont vécu dans ces pays se considéraient, et que ce n’est pas non plus comment les sociétés arabes les considéraient. Aucun enquêté ne parle de son identité de cette manière. Ainsi, on assiste bien souvent à une instrumentalisation des identités juives-arabes pour servir un propos politique vis-à-vis d’Israël : que ce soit d'un côté pour rappeler leur exil massif mis en comparaison avec l’exil des Palestiniens post-1948, ou bien de l’autre côté pour les présenter comme les autres victimes du sionisme, qui serait une idéologie nationaliste européenne. Or, le rapport à Israël est différent selon les enquêtés et leur famille. Bien qu’il y ait une part importante des ascendants qui soient des militants pour les droits des Palestiniens (qu’ils soient antisionistes ou sionistes de gauche), il existe aussi pour certains un non-sujet vis-à-vis d’Israël (certains n’y ont aucun lien familial ou culturel). Cet élément qui est souvent présenté comme central dans les débats autour de la notion « Juif Arabe », n’est pas apparu déterminant dans les entretiens.
Reconnaissance de l’héritage juif des pays arabes
Ce qu’ils défendent tous en revanche, c’est que cet héritage soit reconnu. Pour elles et eux la présence juive dans les pays du Maghreb et du Machreq a existé pendant de nombreux siècles jusqu'à leur départ massif au XXᵉ siècle, il y a eu des manifestations d’antisémitisme, mais leurs ascendants ont tout de même fait partie des sociétés arabes – et non des nations –, bien qu'ils aient été à une place qui n'était pas celle de la majorité.
Sarah fait part d'un passé douloureux vis-à-vis de l’Algérie, en commençant par la difficulté de nommer les Juifs qui en proviennent, du fait de leur effacement de l’histoire officielle du pays :
« Juif algérien » j’ai du mal parce que je trouve quand même que les Juifs ont été effacés de l’histoire d’Algérie.
– Sarah
Pour plusieurs personnes interrogées, il y a également un sentiment d’urgence à témoigner et préserver une culture juive-arabe ou séfarade en train de disparaître. Sarah qui a vécu dans le quartier du Marais à Paris, témoigne de la disparition de lieux et des personnes, jusqu’à l’extinction prochaine de cette culture :
Moi je retrouve plus mon ambiance de quartier. Quand j’étais petite, il y avait un magasin de meubles à côté de chez moi, c'était Maurice. Et Maurice, c’était un ami de ma grand-mère en Algérie et il tenait une supérette, comme on disait l’arabe du coin sauf que c’était Maurice il était juif mais bon c'était pareil. [...] il y avait un café [...] il y avait que des Algériens qui jouaient au backgammon [...] Tout ça, ça a disparu. [...] J’ai l’impression qu'on est les derniers en fait. J’ai l’impression que quand la dernière personne de ma famille qui aura connu mamie Georgette mourra, et ben j’ai l’impression que ce sera fini les séfarades.
– Sarah
Certains aspects de l’héritage qui étaient perçus comme uniquement juifs sont liés à des éléments plus larges d’une culture arabe ou maghrébine :
Mes potes marocains ont la même réaction, c'est la manière dont mon père s'assoit. Ils disent “ah là je le vois”. T’as l’impression que le monde lui appartient, comment il s'asseoit. Il se sent chez lui. Cette réaction je l’ai eue souvent. Parfois ça jaillit tout seul, des trucs que j’arrive à identifier parce que je fréquente d’autres Arabes. Pendant longtemps, des trucs que j’ai cru juifs n’étaient pas que juifs. J’ai grandi en dansant la dabke avec ma tante.
– Elie
Avec la progressive disparition des derniers Juifs qui ont vécu dans les pays du Maghreb et du Machreq, puis de leur venue en France, il y a le sentiment qu’il faut témoigner de ce passé et perpétuer cet héritage. La musique et la cuisine sont plusieurs fois mentionnées par certaines enquêtées comme des marqueurs de leur identité et d’un héritage qui a été transmis par leurs ascendants. D’autant que cet héritage est parfois nié, jusqu’à l’existence même de Juifs en terre arabe, ou bien le passé est au contraire fantasmé.
Déconstruire un passé fantasmé
Un passé fantasmé de coexistence pacifique et sans accrocs émerge régulièrement chez des interlocuteurs issus de ces pays, ce à quoi certains enquêtés ne croient pas :
Très souvent les gens, quand je dis que je suis juive, ils disent “olala, moi je me souviens quand j'étais jeune, y avait un juif qui habitait là, à côté de chez moi. Et quand il faisait shabbat, il faisait la loubia” que des trucs comme ça on me raconte “et toute façon on a toujours été frères, on s'est toujours très bien entendus” parce qu'en plus il y a une sorte, maintenant, de on refait un peu l'histoire en disant que tout a été merveilleux.
– Sarah
Pour les descendants pourtant, persistent des questions irrésolues vis-à-vis de l’antisémitisme vécu en terre arabe, ainsi que de l’exil. Ils sont nombreux à faire part de l’ignorance, entretenue par des politiques étatiques, de l’existence même des Juifs dans les pays du Maghreb ou du Machreq, ainsi que par les descendants en France qui n’ont jamais vécu dans ces pays et n’y ont pas connu la présence juive.
Du côté de mes potes musulmans, y a une vraie méconnaissance de l'antisémitisme dans le monde arabe ça c'est dingue vraiment. Pour eux c’est vraiment, plusieurs fois on me l’a dit ça : “C’est les blancs qui vous ont mis dans les camps”, c’est vrai. Mais il y a quand même une histoire dans le monde arabe et ça, ça les fait chier. Je fais aussi ce travail là auprès d’eux. [...] il y [a] vraiment un manque de connaissance sur l'exil des Juifs de tout le monde arabe.
– Noa
L’ignorance s’accompagne également d’une négation de l’héritage juif des pays du Maghreb et du Machreq, particulièrement visible sur les réseaux sociaux. Ce qu’évoquent plusieurs enquêtées, notamment concernant la cuisine. Par exemple chez Aurore, qui par le passé s'est identifiée au terme Juive Arabe, mais ne s’y identifie plus :
Les messages, [...] d’accuser les Juifs qui faisaient la recette de la dafina, d’appropriation culturelle ou même de dire la cuisine juive n'existe pas, ça n’a pas de religion, c’est la cuisine marocaine. Enfin, ça m’a fait vraiment très très mal. Y a un truc qui n’est tellement pas réparé que du coup j’arrive pas à me revendiquer de cette identité.
– Aurore
Ce déni existe également dans la sphère amicale pour Sarah, qui doit parfois se justifier des plats qu'elle cuisine ou du fait qu’elle aille au hammam :
Quand je fais des tajines il y a une copine, elle arrête pas de parler d'appropriation culturelle et comme moi je vais au hammam tous les mois [...] Des fois on le sous-entend. Parce qu’aujourd’hui il y a des gens qui sont très extrémistes. [...] elle me dit “Ah ouais tu fais des tajines et tout machin tu as pas l’impression que c’est de l’appropriation culturelle ?” Bah non pas du tout en fait. Il y a plein de trucs comme ça où je penserai jamais que c’est, pour moi ce sera jamais de l’appropriation culturelle. J’estime que c’est ma culture.
– Sarah
MirYad, Mémoire de Tétouan, monotype
La différence générationnelle dans le rapport à l’identité juive arabe
L'identification au terme « Juif Arabe » s’explique de différentes manières par les enquêtés eux-mêmes. Pour quelques-uns pour s’adresser aux « Blancs » qui classent les Juifs comme oppresseurs, nouer un lien avec les minorités musulmanes, maghrébines ou arabes, revendiquer un héritage arabe non-européen avec une cuisine et une musique qui sont transmises en famille, parfois pour l’utiliser en réaction à certains propos, ou bien plus rarement pour évoquer une identité arabe assignée. À notre surprise, la langue arabe n’est pas déterminante pour les enquêtés dans l’identification à ce terme. L’absence de transmission familiale de la langue arabe est commune pour l’ensemble. Deux l’ont apprise de leur propre initiative. Certains témoignent d’une mise à part vécue par les ascendants quand ils vivaient dans ces pays vis-à-vis de la langue qu’ils parlaient, qui n’était pas celle de la majorité, mais des formes de judéo-arabe ou ladino. D’autres enquêtés racontent que leurs ascendants parlaient ou parlent l’arabe dialectal sans difficulté.
Pour les personnes interrogées, il y a bien majoritairement une différence générationnelle vis-à-vis de l’identification à ce terme, à l’exception des parents ou grands-parents militants communistes qui ont pu déjà s’y identifier par le passé. Pour les enquêtés, la majorité de leurs ascendants ne s’identifient pas à ce terme. Les ascendants ont aussi presque tous témoigné auprès de leurs descendants des récits d’antisémitisme vécus dans les pays d’origine. Certains rapportent des violences particulièrement intenses : attentats, viol, meurtres. Pour d’autres, il s’agit d’injures et de mise à part. Dans plusieurs récits, il s'agit du point de départ de l’exil, pour d’autres, ce n’est pas ce qui a motivé le départ. À notre surprise, la nature de l’émigration (exil forcé, migration économique ou pour raisons familiales) n’entre pas en ligne de compte pour les descendants qui s'identifient au terme « Juif Arabe ».
Certains ascendants ont pu faire preuve d’ambivalence vis-à-vis du racisme anti-arabe, bien qu’ils aient eux-mêmes pu subir ce racisme à leur arrivée en France. Ambivalence car il y a à la fois un rejet et une crainte d’être perçu comme Arabe ainsi qu’une propagation de discours anti-arabe, qui s’accompagnent néanmoins dans les actes, d’aide envers les personnes perçues comme maghrébines, musulmanes ou arabes :
Mon grand-père disait [...] “qu’ils crèvent tous”. Et dès qu’il voyait un rebeu, le pauvre, il voulait l’aider, c’était son ami, c’était son frère. [...] Il était boucher à Belleville en arrivant de Tunisie, et il donnait tout le temps de la viande aux jeunes qui étaient pauvres et mangeaient halal. L’idéologie qu’il se donne et la réalité [...], il serait incapable de faire du mal à quelqu’un qui lui ressemble. [...] Ils veulent surtout pas être arabes mais ça se voit qu’ils le sont. [...] Ouais ils disaient vraiment toujours les rebeus, de loin, on sait jamais ce qu’ils peuvent nous faire, toujours la méfiance.
– Noa
Il en est de même pour Sarah, pour qui sa grand-mère maternelle se considérait « Juive d’Algérie », séfarade d’Espagne, et donc Européenne, bien qu’ils aient été « pris pour des Arabes » à leur arrivée en France :
Elle voulait pas que je dise “je suis d’origine algérienne”. “On n’est pas Algériens, on est des Juifs d’Algérie, complètement différent, et les séfarades sont d’origine espagnole”. Genre on est Européens quoi. Elle disait qu’elle avait beaucoup souffert. Elle disait “mais nous quand on est arrivés en France, on nous prenait pour des Arabes. On nous prenait pour des Arabes.” Elle disait tout le temps. “On a souffert”. Tout le temps.
– Sarah
Le rapport avec les Arabes pour les ascendants dépend majoritairement du pays d’origine et du milieu social. Elie met en lumière le récit de sa grand-mère juive d’Égypte, parlant l’arabe et qui s'est toujours considérée Égyptienne du fait de son environnement social :
Ma grand-mère est restée très égyptienne et restée beaucoup plus Arabe [que son mari venu du Maroc]. Quand elle voit des Arabes du Moyen-Orient, elle leur parle en arabe. Elle ne laissait jamais passer un mot de travers sur les Arabes. Je pense que la différence c’est qu’elle n’a pas grandi dans une société juive dans une bulle en Égypte, elle a grandi en Égypte. Elle se considérait comme une égyptienne comme les autres et je pense que la blessure en était d’autant plus grande. En Egypte on a toqué à sa porte et lui a dit “tu dégages dans 3 jours”.
– Elie
Certains descendants comme Idit racontent une différence de perception entre sa branche maternelle d’Algérie et sa branche paternelle du Maroc. Cette différence est attribuée aux vécus divergents.
Juifs arabes et séfarades
Des séfarades aux Juifs Arabes ? Plusieurs personnes interrogées ont mentionné le fait qu’elles s’identifient à plusieurs termes. Ils sont une majorité (8 sur 10) à s’identifier également au terme « séfarade », signe que « Juif Arabe » ne s’y substitue pas totalement. Il est à noter qu’aucune des personnes interrogées ne déclare se présenter comme Juif ou Juive Arabe auprès d’autres personnes. Seul Gabriel, qui lui s’identifie au terme Juif maghrébin, se déclare également ainsi. L’utilisation de « Juif Arabe » par les intellectuels dans le champ médiatique est souvent liée à un motif politique en rapport avec Israël. Tandis que le fait que des personnes s’y identifient sans pour autant le dire, revêt d’autres motifs et explications.
Dans l’ensemble, les personnes interrogées vont davantage mettre en avant le ou les pays d’origine, en se déclarant « juif marocain » ou « juif tunisien » par exemple, sans mentionner par ailleurs la francité. Cette absence de mention est déjà analysée dans une étude réalisée il y a trente ans en 1993¹², comparativement aux identifications plus anciennes à l’israélitisme français. Un rapport distant vis-à-vis des « Français » peut être trouvé tant chez les ascendants que les descendants, même s’ils sont nombreux à mentionner un fort engagement d’intégration dans la société française de la part de leurs parents ou grands-parents à leur arrivée en France.
Pour ma part, je ne m’identifie pas au terme Juif-Arabe. J’estime pour autant, comme la plupart des enquêtés, que nos identités sont plurielles et que l’on est trop souvent essentialisé. Je tire également les mêmes conclusions sur la nécessité de défendre l’héritage juif en terre arabe. Cette identité de l’entre-deux permet de rappeler à ceux qui l’ont oublié, la présence passée des Juifs au Maghreb et au Machreq.
Yaël DZ a une formation pluridisciplinaire en sciences sociales et s'est spécialisée dans l'étude de l'antisémitisme à plusieurs moments de l'époque contemporaine : en Algérie coloniale au tournant du XXe siècle, ainsi que la Shoah en France. Elle s'intéresse également à l'histoire des Juifs du Maghreb et du Machreq, dont sa famille est originaire.
Raphaëlle Elalouf est Architecte, diplômée de l’ENSA Paris-Malaquais. Elle entend lier art, architecture et artisanat en développant des pratiques professionnelles complémentaires comme l’art de la fresque, le décor de théâtre et l’illustration. MirYad nait en 2016. Rencontre éthymologique du regard et de la main, de l’espagnol et de de l’hébreu, elle croit au génie des lieux. Avec le dessin comme langage premier, elle questionne les mémoires transgénérationnelles, traduit des récits fragmentaires, et imprime des territoires imaginaires.
Une Résidence artistique à l’Institut Français du Maroc en 2020 est l’occasion de parcourir les villes de Tanger et Fès où résonnent les mémoires familiales. Démarre alors une expérimentation autour des souvenirs inconscients et des transmissions silencieuses révélés par la résonance des lieux.
Bibliographie
Ouvrages généraux
Benayoun, Chantal. « L'esprit du temps : les définitions identitaires chez les Juifs et les Arabes en France ». Revue européenne des migrations internationales, vol. 9, n°3,1993. Trajets générationnels. Immigrés et « ethniques », France et Québec. p. 95-118.
Cohen, Martine. « Les Juifs de France : Affirmations identitaires et évolution du modèle d'intégration ». Le Débat, 1993/3 n° 75, 1993. p. 97-111.
Memmi, Albert. Juifs et Arabes. Paris, Gallimard, 1974.
Sur l'émigration des Juifs du Maghreb
Cohen, Cléo. « Juive-Arabe, comment je me suis réconciliée avec mes identités », série documentaire radiophonique en quatre épisodes, La série documentaire (LSD), France culture, 2022.
Zytnicki, Colette. « Du rapatrié au séfarade. L’intégration des Juifs d’Afrique du Nord dans la société française : essai de bilan ». Archives Juives, vol. 38, no 2, 2005, p. 84‑102.
Stora, Benjamin. « Effacement et résurgence d’une mémoire juive d’Algérie ». Archives Juives, vol. 53, no 1, mars 2020, p. 147‑50.
Sur les Juifs du Maroc
Berdugo, Serge. « La communauté marocaine : communauté matricielle et diasporas ». In La bienvenue et l’adieu | 3, édité par Frédéric Abécassis, Karima Dirèche, et Rita Aouad. Maroc : Centre Jacques-Berque, 2012.
Trevisan Semi, Emanuela. « Différents récits sur le départ des juifs du Maroc dans les années 1960-1970 ». In La bienvenue et l’adieu | 3, édité par Frédéric Abécassis, Karima Dirèche, et Rita Aouad. Maroc : Centre Jacques-Berque, 2012.
Schroeter, Daniel J., « The Shifting Boundaries of Moroccan Jewish Identities » , in Jewish Social Studies, Fall, 2008, New Series, Vol. 15, No. 1, Sephardi Identities, p. 145-164.
Sur le terme « Juif Arabe »
Behar, Moshe. « What’s in a name? Socio-terminological formations and the case for ‘Arabized-Jews’ ». Social Identities, vol. 15, no 6, 2009, p. 747‑71.
Gottreich, Emily Benichou. « Historicizing the Concept of Arab Jews in the Maghrib ». The Jewish Quarterly Review, vol. 98, no 4, 2008, p. 433‑51.
Levy, Lital. « Historicizing the Concept of Arab Jews in the “Mashriq” ». The Jewish Quarterly Review, vol. 98, no 4, 2008, p. 452‑69.
Levy, Lital. « The Arab Jew Debates: Media, Culture, Politics, History ». Journal of Levantine Studies, vol. 7, no 1, 2017, p. 79-103.
Sur l'arabité
Boisson, Sarah. « Maghrébin, une catégorie imaginaire ? », La Vie des idées, janvier 2021
Saaf, Abdallah. « L’Idée de l’unité arabe dans le discours politique maghrébin ». Annuaire de l’Afrique du Nord, Editions du CNRS, vol. 24, 1987, p. 53‑63.
Webb, Peter. « The origin of Arabs: Middle Eastern ethnicity and myth-making ». British Academy Review, 2016, p. 34‑39.
Notes de bas de page
Le terme Maghreb est un terme arabe qui signifie Couchant, par opposition au Levant, Machreq. Il faut rappeler ici qu'il y avait entre 700 000 et 850 000 Juifs vivant dans cette région avant la création de l'Etat d'Israël en 1948 et les indépendances des pays arabes. L'ensemble des communautés juives historiques ont quitté la région à la fin du XXᵉ siècle à l'exception du Maroc et de l'Iran. (Lital Levy, 2008, p. 452) Les Juifs du Maghreb et du Machreq viennent des pays suivants : Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Égypte, Syrie, Irak, Palestine/Israël, Liban, Yémen. En France, on estime que les Juifs du Maghreb, venus en France entre 1950 et 1970, représentaient deux tiers de la judaïcité française de l'après-guerre. (Colette Zytnicki, p. 86)
Diplôme d'Université Formation à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme à l'Université Paris 8 Saint-Denis.
Les éditions La Fabrique traduisent un ouvrage d'Ella Shohat intitulé Le sionisme du point de vue de ses victimes juives (2006). Le résumé sur le site indique : « [le livre] reste une référence pour toute une génération d’intellectuels qui analysent le sionisme comme une idéologie européenne à caractère orientaliste et colonial, orchestrant l’acculturation, la sécularisation et la destruction des références identitaires des Arabes juifs. Les intellectuels de cette mouvance, tout en insistant sur le désastre social et culturel que fut la “sionisation” des Arabes juifs, pensent leur propre histoire en rapport avec les autres victimes du sionisme, les Palestiniens. »
Adiel Cohen, « The invention of Arab Jews erases Mizrahi Jewish history », The Jerusalem Post, 08/11/2021.
Moshe Behar, « What’s in a name? Socio-terminological formations and the case for ‘Arabized-Jews’ ». Social Identities, vol. 15, no 6, 2009, p.758.
ibid., p. 762.
ibid., p. 464.
Tous les prénoms ont été modifiés.
Abdallah Saaf, « L’Idée de l’unité arabe dans le discours politique maghrébin », Annuaire de l’Afrique du Nord, Editions du CNRS, vol. 24, 1987, p. 53‑63.
Chantal Benayoun, « L'esprit du temps : les définitions identitaires chez les Juifs et les Arabes en France ». Revue européenne des migrations internationales, vol. 9, n°3,1993. Trajets générationnels. Immigrés et « ethniques », France et Québec, p. 100
Le terme « nettoyage ethnique » renvoie à une politique visant à faire disparaître un groupe ethnique d'un territoire. Il est employé régulièrement à partir des années 1990 au sujet des guerres de Yougoslavie et renvoie aux crimes de masse. Pour les Juifs des pays arabes, la communauté scientifique parle d'exode, d'expulsions et de persécutions dans un contexte de montée du nationalisme arabe, des décolonisations, et de la création de l'Etat d'Israël, menant à leur départ.
Chantal Benayoun, op. cit.