Les derniers Juifs d’Égypte

Damien Fabre / illustrations : Lola Zerbib-Kahanne 4 décembre 2025

L’Égypte comptait près de 100 000 Juifs à la veille de 1948, date du début de leur exil brutal. Tous en ont été chassés, y compris les plus antisionistes d’entre eux. Tous ? Non ! Car une poignée d’irréductibles Juifs égyptiens résiste encore et toujours au départ. Une poignée, le mot est à prendre au pied de la lettre. On ne sait pas exactement combien ils sont, une, trois, sept, une dizaine. Damien Fabre en a interrogé deux d’entre eux pour raconter l’exil de cette communauté et le maintien de quelques-uns, plus souvent quelques-unes entre inconfort et accommodements. 

Sortie d’Égypte, ré-adaptée de l’illustration de la hagadah Berdah, Lola Zerbib Kahanne

À la rencontre de Samy Ibrahim

Alors que j’attends mon avion depuis le hall de l’aéroport d'Orly, je tue le temps en scrollant sur mon téléphone. Un premier message attire mon attention. Daï ! m’écrit au sujet de leur prochain numéro consacré aux séphardités : « Tes travaux s’inscrivent bien dans le thème. Tu aurais une idée d’article à proposer ? ». Je m’apprête justement à embarquer pour l’Égypte afin de présenter l’avancée de ma thèse auprès d’un public de pairs et je commence aussitôt à réfléchir aux possibilités d’articles qui s’offrent à moi. Explorer la question de la souffrance dans l’identité sépharade en prolongeant les travaux d’Esther Benbassa ? Se plonger dans la rencontre entre Ashkénazes et Sépharades à Vienne à la fin du XIXᵉ siècle grâce aux articles de Martin Stechauner ? Aborder l’histoire des Panthères Noires d’Israël ? De nombreuses idées me viennent mais aucune ne sort du lot. C’est à cet instant que je remarque un autre message reçu sur mon téléphone. Élie, qui contribue également à Daï ! m’écrit sur Whatsapp : « J’ai vu que tu partais en Égypte ! Si tu veux j’ai le contact du gars qui s’occupe du patrimoine juif là-bas, c’est un ami de la famille ». C’est avec joie que je réponds par l’affirmative à cette proposition. Baroukh hachem ! Cette mise en relation est quasiment un signe de la providence. Il n’y a plus aucune hésitation dans mon esprit. J’allais partir, pour Daï ! en quête des derniers Juifs d’Égypte.

La rencontre avec le contact que m’a envoyé Élie n’a pas lieu immédiatement. Mes premiers jours au Caire sont trop occupés par l’université d’été doctorale organisée par l’Institut Dominicain d’Études Orientales, pour laquelle je suis venu. J’en profite pour me faire au rythme intense et à l’ambiance surchauffée de cette mégapole de vingt millions d’habitants. Quand, cinq jours plus tard, nous convenons finalement d’un rendez-vous, je suis déjà habitué à me faufiler dans le chaos de la circulation et à ne plus me plaindre des quarante degrés permanents. C’est ainsi que, non loin du métro Nasser, je me glisse à l’ombre des grands immeubles néo-baroques du centre-ville. À l’angle d’un carrefour, je pousse la porte vitrée d’un café. Une jeunesse branchée consomme ici des lattes macchiatos, des cappuccinos généreux ou des jus de fruits pressés. Pas d’orientalisme de carte postale : la vitrine respire l’international, on pourrait aussi bien être à Paris, Milan ou Madrid. Seule la fumée épaisse de cigarettes flottant dans la salle rappelle le pays dans lequel on se trouve. C’est dans ce décor que je fais la connaissance de Samy Ibrahim, Abraham Arié de son nom juif. Dès l’abord, je suis frappé par la chaleur lumineuse de son sourire et, surtout, la fluidité parfaite de son français. Nous laissons tomber les formalités : pas de commande, ni thés, ni cafés, la discussion s’engage directement, de manière immédiate, dense, comme si nous reprenions une conversation interrompue. Voici son histoire familiale.

Entre racines juives et appartenance nationale

Son père, Albert Arié, était un Juif communiste et athée. La judéité relevait donc pour lui d’un héritage culturel et identitaire, absolument pas d’une foi ou d’une pratique religieuse. La fondation en 1953 du Rassemblement de la Libération par Gamal Abdel Nasser inaugure l’ère du parti unique. La répression frappe les militants communistes. Le père de Samy est de ceux-là, il est donc arrêté : il passera plus d’une décennie dans les geôles du régime. Sa judéité joue un rôle tout aussi déterminant dans son destin. Avec la crise du canal de Suez en 1956, tous les Juifs égyptiens sont assimilés à des sionistes et donc à des ennemis de l’État. On les pousse au départ ou on les emprisonne. Dès lors, chaque année, on propose au père de Samy la liberté contre une promesse écrite de quitter le pays. Ce chantage, il le refuse toujours, préférant l’emprisonnement à l’exil.

Son salut vient de Moscou : en 1964, Nikita Khrouchtchev, premier secrétaire du Parti communiste soviétique, exige la libération des militants communistes égyptiens dans le cadre d’une visite diplomatique sur le chantier du Haut-Barrage d’Assouan. C’est ainsi qu’Albert Arié retrouve la liberté. En 1966, il se convertit officiellement à l’islam afin de pouvoir épouser une femme musulmane, condition sine qua non dans le système juridique égyptien où l’appartenance religieuse détermine la vie familiale. De cette union naît Samy, un an plus tard. Un enfant qui n’est donc, du point de vue du droit rabbinique orthodoxe, pas juif. Il ne l’est pas plus du point de vue des lois de son pays. L’Égypte l’enregistre ainsi officiellement comme musulman. Pourtant la judéité, me dit-il aujourd’hui, fait partie de lui : « Cela fait partie de mon identité, de mon histoire. C’est en moi. C’est comme ça. »

Samy grandit dans un environnement traversé par la double filiation : sa judéité lui vaut nombre de discriminations, mais pas suffisamment pour le décider à partir. Il est égyptien, c’est sa culture, son pays, il ne s’imagine pas vivre ailleurs. En France ? Après tout, il a étudié au lycée français et maîtrise à la perfection la langue de Molière, il n’en est pour autant pas question. «  Avec nos visages nous subirions du racisme pendant plusieurs générations avant de nous intégrer » esquisse-t-il. L’Espagne pourrait être une piste, après tout il a obtenu la double nationalité égyptienne-espagnole, au titre de la loi de 2015 pour les descendants de Juifs expulsés en 1492. Pour autant, si ce passeport est pratique, le pays ne l’attire pas non plus. Israël ? Il se refuse à envisager ce pays comme une terre d’accueil. « Israël a été le plus grand malheur des Juifs d’Égypte », confie‑t-il sans se dire antisioniste pour autant. Il se rend là-bas, parfois, afin de participer à des conférences et des rencontres. Il s’y sent accueilli « comme un roi », par les exilés d’Égypte, y compris les Karaïtes, des Juifs anti-talmudiques qui étaient particulièrement nombreux dans le pays. Il comprend tout à fait celles et ceux qui ont fait le choix de l’émigration vers Eretz Yisrael même si ce choix n’est pas le sien.

Ce refus du départ traduit un attachement profond à la terre natale. Sa vie, il la consacre à la sauvegarde du patrimoine juif égyptien. En 2013, la mission lui est confiée par Magda Haroun, la nouvelle présidente de la communauté juive d’Égypte. Aujourd’hui âgé de 58 ans, il continue de prendre cette tâche très à cœur et est particulièrement fier d’avoir permis de sauver et de restaurer les mausolées karaïtes du cimetière de Bassatine grâce à des financements états-uniens. Il est également très fier du livre de son père, Mémoires d'un juif égyptien, d’Albert Arié, publié à titre posthume, en arabe, en 2022. 

Magda Haroun, la présidente

J’ai entendu parler pour la première fois de Magda Haroun, deux jours après mon arrivée au Caire. Une doctorante espagnole devenue cairote d’adoption me lâche autour d’un jus de fruits. « Ah, mais tu travailles sur l’histoire des Juifs sépharades ? Tu dois absolument rencontrer Magda Haroun ! C’est la présidente de la communauté juive d’Égypte, je l’ai vue quand elle participait à une table ronde sur le dialogue interreligieux, elle n’a pas la langue dans sa poche ! » Un frère dominicain me confirme : « Oui, Magda est une des dernières. Il n’y a plus que sept Juives en Égypte, toutes des femmes mariées à des musulmans ou des chrétiens. Car elles avaient le droit de le faire sans se convertir, contrairement aux hommes. Je te préviens : il ne faut pas lui parler d’Israël, elle est très antisioniste. Si tu veux j’ai son mail. » Mon entretien avec Samy me confirme l’importance pour moi de chercher à la rencontrer. Le rendez-vous est donc fixé, facilité par mon premier interlocuteur. Je suis reçu par Madame Haroun, 73 ans, dans un vaste appartement du centre-ville cairote qui sert de locaux pour son activité de conseillère en propriété intellectuelle. À l’entrée, une femme d’un certain âge, accueillante, francophone, m’introduit auprès de la présidente de la communauté juive d’Égypte. Celle-ci me reçoit avec simplicité, derrière son grand bureau en bois, m’offre un thé, et la conversation s’engage avec la même facilité que la veille avec Samy. Mon interlocutrice se distingue, elle aussi, par une maîtrise parfaite du français, acquise durant sa scolarité auprès de la mission laïque française. Une nouvelle fois, je vois se dessiner sous mes yeux une histoire familiale riche et complexe.

Portugal, Iran, France, Algérie, les origines de Magda reflètent bien la diversité et la richesse des communautés juives sépharades qui étaient interconnectées par-delà les deux rives de la Méditerranée et au-delà. Son grand-père maternel est arrivé en Égypte comme instituteur pour l’Alliance Israélite Universelle, sa grand-mère maternelle ne parlait que judéo-espagnol etc. Sa famille était en cela très représentative de ce qu’était, jadis, la communauté juive d’Égypte avant sa disparition quasi totale. On trouvait dans le pays de nombreux karaïtes, mais également, au sein du judaïsme rabbinique, une importante communauté sépharade, divisée entre égyptiens d’origine, qui parlaient arabe, et migrants de l’Empire ottoman, qui parlaient judéo-espagnol. Enfin, des Ashkénazes arrivés eux aussi avec les Ottomans. Le Caire comptait ainsi des synagogues pour chaque groupe. Les rapports inter-communautaires étaient globalement bons, même si les mariages entre Juifs des différentes traditions étaient rares.

Très rapidement, la conversation s’oriente sur la figure de son père : Chehata Haroun. Un homme qui a été emprisonné à de nombreuses reprises, « en 1949 parce qu’il était communiste, en 1967 parce qu’il était juif et en 1979 ils ont encore une fois tenté de venir le chercher. » Contrairement au père de Samy Ibrahim, aucun de ces séjours en prison ne fut très long, car le père de Magda avait l’avantage d’être une figure publique qu’il était compliqué de maintenir longtemps en détention. Pour Chehata Haroun, la judéité n’était pas non plus une question de foi, mais d’identité, de culture et d’appartenance ethnique. « Il n’a jamais été pieux, il ne connaissait pas les prières, quand on faisait le dîner de Pâques il n’avait même pas de kippa, il se mettait une serviette sur la tête et il marmonnait quelques mots en hébreu. [...] La dernière vraie pratique religieuse qu’il ait faite, c’était sa bar-mitzvah. » De la même façon, la seule fois où il a mis les pieds dans une synagogue, c’était après la signature des accords de Camp David en 1979, alors que Yigaël Yadin, en tant que vice-Premier ministre d’Israël était venu visiter la synagogue du centre-ville du Caire. Chehata Haroun en avait alors profité pour aller lui crier dessus qu’il était opposé à « cet accord injuste pour les Palestiniens ». Il faut dire que le père de Magda était une figure de la gauche antisioniste égyptienne. Un homme qui avait pour habitude de dire « je suis palestinien quand les Palestiniens souffrent, je suis noir quand les Noirs souffrent, je suis vietnamien quand les Vietnamiens souffrent, je suis un homme. »

Antisémitisme et persécutions

L’antisionisme de son père, Magda le partage aujourd’hui et il lui arrive d’en parler sur les médias égyptiens qui l’invitent régulièrement. Cela a contribué à lui offrir une certaine notoriété dans le pays. « Régulièrement des gens m’arrêtent dans la rue pour me remercier. » Depuis les attentats terroristes du 7 octobre 2023, toutefois, Magda confirme avoir peur pour sa sécurité dans un contexte de plus en plus tendu. Il faut dire qu’en Égypte, l’antisionisme n’empêche pas les persécutions, comme peut en témoigner l’existence d’une éphémère Ligue juive contre le sionisme créée en 1946 par Marcel Israël (sic) et dont tous les membres ont été arrêtés dès 1947 par le président du conseil des ministres égyptiens, Mahmoud al-Noukrachi Pacha. La présidente de la communauté juive d’Égypte énumère les vagues de persécutions suivantes : 

Sortie d’Égypte, illustration de la hagadah Berdah

En 1948, à la fondation de l’État d’Israël, les Frères Musulmans s’en prennent aux Juifs d’Égypte, notamment en brûlant plusieurs magasins, ce qui provoque une première vague de départs. « Les familles qui vivaient dans le quartier juif, avaient des escaliers en marbre, la plupart étaient des commerçants, donc aller travailler la terre et vivre dans des préfabriqués en plein désert, ce n’était pas pour eux, ils sont donc partis vers l’Europe. » Par la suite, en 1956, pendant la crise du Canal de Suez, tous les Juifs qui avaient une double nationalité française ou anglaise ont été expulsés « dont la famille de ma mère » précise Magda. Enfin le 5 juin 1967, pendant la guerre des Six Jours, tous les hommes juifs âgés de 18 à 60 ans ont été internés pour les contraindre au départ. Cette vague de persécutions a également touché les karaïtes qui pourtant étaient dans leur majorité farouchement opposés à Israël. Magda raconte ainsi l’histoire d’un bijoutier karaïte qui était leur voisin, au Caire. Il était allé voir Chehata Haroun les larmes aux yeux, en s’exclamant « Mais où vais-je aller ? Je ne connais que ma boutique et ma maison. Je ne parle qu'arabe ! » Au pays des pyramides, la haine d’Israël se confond très souvent avec la haine des Juifs. Cet amalgame a été attisé fortement par le président Gamal Abdel Nasser en personne. Celui-ci, dans ses discours, « n’a jamais parlé d’Israël, il disait “Les Juifs”, c’était un homme très charismatique et cet amalgame a été ancré chez les Égyptiens. Israël / les Juifs, c’est la même chose. » Le résultat ? Une population au sein de laquelle Le Protocole des Sages de Sion a longtemps été un best seller.

Dès lors, on peut se poser la question du choix de Magda Haroun de rester vivre ici. Elle a été tentée par le départ une première fois, au moment de son orientation universitaire. Celle qui voulait devenir vétérinaire n’avait pas les notes suffisantes pour pouvoir accéder à cette formation dans un système scolaire égyptien très balisé. Elle a donc envisagé de partir en France pour étudier. Son père a été catégorique « si tu dois partir étudier à l’étranger ce sera en URSS ou rien. » Elle a donc fait le choix de rester. Bien des années plus tard elle a épousé son premier mari, un musulman. « Je n’avais pas beaucoup de choix, il n’y avait plus d’hommes juifs » précise-t-elle en souriant. Avec lui, elle a eu deux filles, qui sont considérées comme musulmanes au regard du droit égyptien, bien que du point de vue rabbinique, elles soient indiscutablement juives. Avec cet époux et ses filles, elle est partie vivre à l’étranger pendant quelques années pour des raisons professionnelles.  « On a vécu pendant douze ans dans différents pays. Mon aînée, quand elle est revenue, elle avait douze ans, elle ne parlait pas l’arabe et elle est allée à l’école française dans laquelle elle n’apprenait pas cette langue. [...] Elle a bien eu des cours car mon père insistait pour qu’elle le parle, mais le pauvre professeur d’arabe a dû jeter l’éponge. » Aujourd’hui, cette même fille aînée, bien plus que sa cadette, se sent connectée à son héritage juif. Elle « perpétue la tradition juive, elle jeûne à Yom Kippour, elle respecte Pessah en ne mangeant que du pain azyme, même si elle ne connait rien à l’hébreu. »  Elle peine malheureusement toujours à s’habituer à la vie égyptienne. « Elle a fait des études en Italie de restauration archéologique. Elle a travaillé au musée du Caire pendant une dizaine d’années, puis elle a décidé qu’elle n’en pouvait plus. Elle a un physique très européen, un nom très musulman, elle ne faisait pas le Ramadan, n’était pas voilée » autant de choses qui la faisaient mal voir par ses collègues. « Elle en a eu marre à la fin, elle a démissionné et elle vit en recluse à la maison. »

La communauté aujourd’hui

Au début de cette conversation, Magda s'était présentée à moi comme étant la dernière Juive d’Égypte, mais en creusant un peu j’ai découvert donc qu’il en existait au moins deux autres, ses filles. Combien sont-ils en réellement ? Le décompte précis est complexe. Du point de vue de la loi égyptienne, Magda est belle et bien la dernière juive de toute l’Égypte. Mais il faut comprendre que les personnes nées de mères juives sont halakhiquement juives, quand bien même l'État égyptien ne les compte pas ainsi car issues de mariages avec des pères musulmans ou chrétiens. Combien, à l’instar de Magda, parmi les dernières femmes juives du pays ont été mariées avec des hommes d’autres communautés et ont eu des enfants ? Combien parmi ces enfants sont des filles, qui elles-mêmes ont transmis la judéité ? Il y aurait là matière à une étude approfondie du sujet. Quoi qu’il en soit, si l’on interroge Magda Haroun sur le nombre de personnes qui, aujourd’hui, en Égypte, se considèrent comme juives ou qui considèrent que le judaïsme est une part importante de leur identité, qu’elles soient issues d’une filiation patrilinéaires ou matrilinéaires, elle répond sobrement : « pas plus d’une dizaine ». Un chiffre douloureux qui témoigne de l’effacement complet d’un monde. 

C’est donc cette « communauté » minuscule que Magda préside. Magda l’assure, elle n’était pas destinée à porter la mémoire d’une communauté en voie de disparition. « En 2013, il n’y avait personne d’autre. Que pouvais-je faire ? Il fallait bien quelqu’un… Les dernières Juives, ce n’étaient que des vieilles dames qui avaient besoin d’aide. » Le gouvernement contraint, en outre, chaque communauté à posséder une représentation légale : la responsabilité s’est donc naturellement imposée à Magda. « La précédente présidente avait voulu garder la communauté à l’ombre, probablement pour la protéger. Elle est décédée pendant le règne des Frères Musulmans et quelques jours avant son décès, c’était ma première apparition à la télévision. Un des responsables des Frères Musulmans avait déclaré à la télé “que les Juifs qui ont quitté l’Égypte reviennent”. On m’avait demandé de venir sur un plateau de télé et j’y ai réagi “merci à ce monsieur. Il a ouvert la boîte de Pandore. Parce que pendant des années, personne n’a parlé de nous. Ouvrons la boîte, parlons-en. Disons que ce les Juifs d’Égypte ont subi.” » Depuis, les choses ont continué d’évoluer, la Constitution instaurée en 2019 par le président Abdel Fattah al-Sissi, reconnaît trois religions officielles en Égypte, l’islam, le christianisme et le judaïsme. Magda répond à toutes les sollicitations médiatiques afin de mettre en lumière l’histoire des Juifs d’Égypte. Elle l’assure, la société égyptienne ouvre progressivement les yeux sur l’histoire de sa communauté. Son vœu pour l’avenir ? Qu’on continue de parler des Juifs d’Égypte et de leur histoire, « c'est une communauté en voie de disparition. [...] Alors je veux qu’elle s’éteigne en gloire. Je veux que cette jeune génération, qui ignore qu’il y a eu des Juifs en Égypte, le sache. » Signe d’une évolution, aujourd’hui, les Protocoles des Sages de Sion sont moins vendus qu’avant. « De nos jours, le best-seller en Égypte, c’est le livre d’Albert Arié » se plaît à imaginer Magda Haroun.


Vous pouvez retrouver l’intégralité de l’entretien vidéo avec Magda Haroun sur la chaîne YouTube de l’auteur de cet article, “Religare – La DERNIÈRE juive d’Égypte”. La vidéo sera en ligne à partir du 4 décembre à 17h30.

Pour poursuivre sur cette thématique, vous pouvez également lire chez nos confrères de Tenoua l’entretien d’André Cohen sur son départ d’Égypte ainsi que le numéro de septembre/octobre de l’Arche consacré à la longue histoire des Juifs d’Égypte.


Damien Fabre est l’animateur de la chaîne d’histoire des religions Religare, sur Intagram, YouTube et TikTok. Il y développe une approche laïque et non confessionnelle des faits religieux, résolument ancrée dans le domaine des sciences sociales. Actuellement en train de rédiger une thèse sur l’histoire contemporaine du judaïsme sépharade à l’Université de Bordeaux Montaigne,  il a par le passé été journaliste radio (Radio Alpa) et journaliste de presse écrite (La Croix, Le Monde).

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