Juif, de gauche et laïque : une éthique de l’inconfort ?
Noé Burko / Illustrations : Mathilde Roussillat Sicsic
On ne sait pas très bien situer les Juifs laïques, on les comprend mal, du dedans comme du dehors. Pourtant, ils représentent une belle part du monde juif, peut-être une majorité, qui cependant ne se définit que très mal et collectivement et comme norme. Qu'est-ce que cette identité juive qui se construit sans le judaïsme tout en en revendiquant son contenu universaliste, et qui ce faisant, devient une identité seulement héréditaire ? Pour mieux saisir cette identité introuvable et lui donner un contenu positif, Daï a proposé à Noé Burko de l'incarner. Dans cet article intime, il dresse un portrait vivant du juif laïque qu'il est, dans lequel il mêle sa politisation et son expérience de l'antisémitisme.
Me voici désigné par Daï « Juif de gauche laïque », parce que je suis Juif, que je suis de gauche, et que je suis laïc – déplorable assignation identitaire ! Nous ne sommes plus après-guerre, le bundisme¹ a vécu, et il faut bien redonner un sens aux mots lorsqu'ils en changent. D'emblée, je précise que cette description n'est pas une simple identité héritée : elle résulte d'un arbitraire, d'une nécessité et d'un choix méthodologique. En fait c'est une position politique, bâtie soigneusement face à l'urgence, suffisamment longtemps après la Shoah et arrivée à point pour une nouvelle affaire Stavisky². Je ne vais pas jouer avec les contradictions qui nous encombrent – la judéité et le refus de l'essentialisme –, nous n’avons pas le temps, je vais simplement dire comment je pense les avoir levées en ce qui me concerne et comment l'autocritique perpétuelle que cette position appelle n'est en aucun cas contradictoire. Et même, qu'elle me paraît vertueuse.
Certaines choses n'ont pas changé depuis l'après-guerre. Être Juif et de gauche, c'est désirer l'universel et accepter le particulier, c'est aussi se battre pour qu'adviennent des mouvements de masse tout en sachant que la meute réinvente la roue et le pogrom tous les cent ans. Donc, c'est se retrouver acteur malgré soi de la plus grande expérience longitudinale qui ait été conduite. Les bundistes ont cru que le matérialisme suffirait à les sauver, et ont fait de la doykaït³ et de la révolution les instruments de leur émancipation - apparemment il leur a manqué quelque chose. Mais si la question juive en France ne se pose plus aujourd'hui en termes d'émancipation, elle se pose en termes de survie. Je suis plus français qu'aucun de mes ancêtres ne l'a jamais été, et j'ai donc la quiétude nécessaire pour réfléchir autrement que dans l'urgence à quel point le complotisme et la certitude peuvent allumer des haines vertueuses. En cela, le sentiment de précarité, de crainte et de douleur à chaque mort nouveau est vif. Douleur coupable : dans un siècle où la jeunesse est partout dépressive , où il s'agit de sauver la démocratie du fascisme et la planète des flammes, des judéoanxieux se demandent encore comment repousser le départ du prochain train pour Auschwitz ! Les Juifves de gauche sont-ils si nombrilistes ? Je ne pense pas, et je crois sincèrement que ce qui ravive l'antisémitisme sur tous les bancs politiques est aussi ce qui empêche les luttes contre le virilisme, les luttes pour le climat, et globalement je tiens pour certain qu'une haine millénaire qui réapparaît tous les cent ans pour des motifs qui paraissent aussitôt absurdes une fois le pogrom passé, a des choses à enseigner.
L'idée n'est pas de jouer avec les contradictions que contient l'idée d'une judéité laïque. Je me propose de les lever, pour mon cas du moins, en expliquant comment je me suis trouvé Juif, donc de gauche, donc laïque.
« Souviens-toi et transmets »
Étrange rejeton d'une mésalliance entre un trotskyste et une bundiste, j'ai fait mes classes dans différentes écoles unies dans une résilience pudique. Du côté paternel, ma grand-mère refusait de nous parler yiddish pour gommer tout particularisme risquant de diviser les travailleurs – malgré son accent à couper au couteau, son numéro tatoué sur le bras et sa dévotion à Staline qui l'avait délivrée un jour de janvier 1945. Elle mourra à mes cinq ans, et c'est le côté maternel et bundiste qui marquera durablement mon éducation : tous les vendredis soirs, pas de prière, mais deux bougies, qui signifiaient respectivement « souviens-toi » et « transmets ». À certains temps de l'année c'étaient les fêtes, et ma mère ou mon grand-père cuisinaient, quand nous n'allions pas dîner chez certains de leurs amis où les célébrations se passaient comme à la maison, à savoir sans empreinte religieuse mais avec profusion de foie haché et de récits bibliques. J'ai réalisé plus tard, en y emmenant des amies non juives, à quel point ces pratiques pouvaient être perçues comme le respect d'un rite. Pour nous qui nous voulions résolument laïques, il s'agissait pourtant moins d’un rite que d’un rendez-vous évident où l'on racontait des histoires auxquelles on ne croyait pas, afin d'en interroger les liens avec la réalité historique. Au-delà de la simple matière à réflexion, l'idée d'une mémoire collective s’y nichait : non pas celle d'un Israël dont on ne croyait pas au combat avec l'ange, mais bien celle que les disparus se transmettaient, puisque le Yiddishland, c’était nous.
En effet, après la guerre, l'Arbeter Ring⁴ a réuni à Corvol l’Orgueilleux, dans la Nièvre, les enfants survivants des bundistes pour la plupart partis en fumée. Ces enfants avaient été cachés en France ou étaient arrivés de Pologne après les pogroms d'après-guerre. Pendant les vacances scolaires, ces enfants et adolescents aux foyers brisés par la Shoah ont fait vivre ces camps de jeunesse. Ils y ont grandi, guidés par des principes d'éducation et d'autonomisation progressistes, laïcs et internationalistes. Se réinsérant dans une société qui avait déporté leurs parents, ils ont créé un vivier de cercles de réflexion (le Cercle Gaston Crémieux), de revues (Diasporiques), et d'organisations culturelles (le CLEJ, Club Laïque de l'Enfance Juive). Ces organes et ces réflexions, historiquement et politiquement situés, étaient les héritiers naturels d'une pensée bundiste nationalitaire⁵, soucieuse de l'émancipation des Juifs et des travailleurs. Cet héritage, ils l'avaient cultivé en grandissant, par la force des choses, entourés de camarades avides des mêmes réflexions. Ensemble, ils avaient regagné confiance dans le monde extérieur, perpétuant et actualisant une pensée dont l'existence même avait été menacée. Qu'ils mangent ensuite des latkès ensemble à Hanouka n'indique rien de leur rapport à la communauté ou au particularisme, et puisque c'était ainsi qu'ils vivaient, c'est ce qui m'a été transmis.
Autre marqueur identitaire transmis sans aspiration communautaire, le yiddish, langue maternelle de mes grands-parents, que ma grand-mère maternelle voudra me transmettre à tout prix. Pourquoi était-ce si important pour cette professeure de lettres, qui parle le plus beau français que j'aie entendu ? Si Corvol fut essentiel pour permettre à cette génération de se reconstruire et de se réinsérer dans la société qui avait déporté leurs proches, la subsistance par la transmission a-t-elle été ce qui leur a permis d'avancer malgré le sentiment d'injustice, sans sombrer dans la haine généralisée ou le désespoir ? Je ne veux pas généraliser, je dirai simplement que ma grand-mère n'a jamais fait le deuil de son père ; qu’une vie de rescapée est une vie amputée, et qu’elle avait ses raisons. Du reste, ça me permettait de baragouiner l'allemand au besoin, mais on ne fait plus communauté en parlant yiddish quand le Yiddishland⁶ n'existe plus. Je ne l’ai jamais parlé que dans ma famille et à la Maison de la Culture Yiddish, où j'allais deux fois par mois pour participer à la Kindershul, où j'apprenais ma grammaire et l'art de la confection de golem en pâte à sel.
Ainsi pendant longtemps ma judéité a été joyeuse, fêtarde, nostalgique souvent puisque nous savions pourquoi la famille était réduite à un noyau congru et que tout cela flottait dans l'air, mais j'avais autour de moi de tels exemples de résilience qu'il n'était même pas question d'être traumatisé par le passé. D'ailleurs, « Chirac nous a réconciliés avec notre carte nationale d'identité en 1995 ». Mes parents s'étant plus ou moins éloignés des Corvolois, les seuls Juifs que je côtoyais en dehors de la Maison de la Culture Yiddish et de quelques enfants d'amis étaient de vieux yiddishisants. La judéité était quelque chose que je ne pouvais partager qu'en famille, et qui ne s'imposait pas à moi en termes de communauté de destin, d'ethnie ou de pensée politique. À la rigueur, comme un vivier de culture parmi d’autres, et une responsabilité, celle de comprendre et de me souvenir, pour soulager ma grand-mère. Elle prendra un autre tournant.
Malaise dans l’identité
Issu d'une famille engagée, la politique-spectacle me passionnait. À entendre les exploits de mes grand-parents FTP-MOI et de mon soixante-huitard de père, je me sentais affligé d'un retard béant que seules la lecture et la compréhension du Capital me semblaient pouvoir combler. Dès mes quinze ans on me trouvait dans une cave de Montreuil où un léniniste de l'OCI⁷ au fort accent italien m'apprenait tout de la révolution permanente. Pourtant, c'est cette quête, et plus largement la question du militantisme et de la politique nationale, qui allait se heurter frontalement à mon héritage juif : Trotsky et Lambert, vos héritiers vous servent bien mal.
Car se construire dans ces années-là, c'était avant tout hériter de Creil et du Kärcher ; c'était voir l'affaire Léonarda et la déchéance de nationalité sous Hollande ; c'était vivre la déchirure entre intersectionnalité et universalisme, assister à la fétichisation du terme « laïcité ». Bref, avoir fort à faire pour construire des repères politiques dans un antiracisme qui, dès 2012, intentait des procès en sionisme à qui était heurté par les salles combles que Dieudonné remplissait.
Car une obsession juive revenait par la petite porte et structurait les bases de l’Internet politique des années 2010, où le négationnisme et les préjugés antisémites millénaires devenaient des mèmes et feraient tellement partie du décor que la génération qui allait se politiser via les médias le ferait sur des bases rouges bien mâtinées de brun. Le plus frappant étant la résistibilité évidente de cet ancrage des thèses de Garaudy⁸ dans l’imaginaire de gauche, puisqu’il aurait suffi à ce moment que les principaux acteurs de la politisation de ces primo-militants s’en saisissent et alertent. Mais naître en 1997, c'est être le témoin de la retenue ignominieuse, prétendument 'antiraciste', des forces de gauche après la mort d'Ilan Halimi, puis les attentats d'Ozar Hatora, les émeutes de Sarcelles en 2014, l'Hyper Cacher, Sarah Halimi, Mireille Knoll... Se construire dans les années 2010, c'était aussi apprendre que le site de Soral était le site politique le plus consulté de France au petit déjeuner, et manger du 'Shoahnanas' à la cantine. C'était attendre en vain qu'Usul, Osons Causer, Bonjour Tristesse, puis Blast, dénoncent le substrat 'brun' sur lequel la « génération rouge » était en train de se structurer, plutôt que d'encenser des Étienne Chouard⁹ et d’inviter Françoise Vergès¹⁰. On attend encore.
L’imprégnation ne restait pas virtuelle. Cette résurgence se manifestait concrètement par l'imprégnation déconcertante du soralisme dans les cours de récréation. Les nouveaux camarades recevaient la cause palestinienne comme une cause de gauche établie. Mais cette adhésion s'accompagnait, pêle-mêle, de définitions fantaisistes du « sionisme » et d'assimilations hâtives entre la dénonciation de l'antisémitisme en France et de prétendues intentions génocidaires masquées. L'idée d'un lobby sioniste omniprésent, dont le CRIF, la LICRA et Patrick Bruel étaient des émanations manifestes, justifiait la méfiance vis-à-vis du Juif que j'étais. La question de l'antisémitisme ne se posant pas dans le mouvement social, les interdictions de Dieudonné ne pouvaient poser comme question que celle de la liberté d’expression. Et il était hors de question de dénoncer quoi que ce soit, à la fois pour ne pas accréditer les procès en « pleurnicherie universelle » réitérés par Dieudonné à tout bout de champ. Mais si l'on osait ! Ou bien l’on se retrouvait face à un « quenelliste » confirmé, qui vous traitait déjà de sioniste ; ou bien on parlait à un·e primo-militant·e qui découvrait les luttes par des voies partisanes plus traditionnelles et qui vous prenait pour un illuminé quand vous suggériez qu'il y avait un peu de mal dans son bien. Dans ces cas-là, difficile de ne pas paraître paranoïaque. Le gaslighting, la solitude, ne sont pas bons pour la santé mentale – mais ils engendrent une sacrée exigence intellectuelle. Face à ces deux absurdités – assignation identitaire et désinformation hostile – quelque chose de singulier s'est produit : beaucoup se découvrent juifs quand on les renvoie à leur identité ; moi, je savais déjà que j'étais juif, mais je découvrais la notion d'identité.
À la maison, toujours les fêtes, le yiddish, et les histoires de cachettes, de résistance et de tous ceux qui ont disparu. En dehors, des « on parle tout le temps de la Shoah en classe » accusateurs, comme si j’y étais pour quoi que ce soit, comme si cette « Shoah » conceptuelle dont on parlait trop était autre chose que de la douleur silencieuse incarnée autour de moi, comme si, enfin, il ne s’agissait pas d’un fait de société qu’il fallait tenter d’appréhender avant de penser à parler du présent et des futurs potentiels, au-delà de toute question juive. Malaise.
Ah, comme on y a cru !
Je voulais apporter ma pierre à la gauche et voilà que ma judéité m’en empêchait. Relation unilatérale des Juifs à la gauche, rien de nouveau sous le soleil, apprendrai-je plus tard. En tous cas, il s’agissait de comprendre pour avancer. La vie intellectuelle des années 2000 s’était construite en miroir de paniques identitaires, et s’était structurée autour des questions de francité, de laïcité, d’islam, et mine de rien du retour d’une France antisémite – et dont l’analyse tombait souvent dans l’islamophobie ou dans le déni, faute de grille de lecture adaptée. Fracture générationnelle oblige, aucun universitaire ne prenait le temps de désamorcer ce qui semblait s’ancrer profondément, mais sûrement n’y voyaient-ils de loin qu’un épiphénomène. Dans tous les cas, restait cependant une question qui n’était pas soluble dans la sociologie : comment des gamins pouvaient déjà être plein de mythes identitaires au point de haïr, et de haïr ensemble. En effet, la rhétorique concurrentielle de Dieudonné et des Indigènes de la République prenait : la mémoire de la Shoah lésait sûrement celle de l’Algérie et des traites négrières, d’ailleurs les esclavagistes étaient tous de riches juifs. Peu importait que le Code Noir interdît aux Juifs de posséder des esclaves, ou que les processus de mémoire, de décolonisation et de justice transactionnels soient à étudier au-delà du sommaire : un mille-feuille d'arguments, bien que dénué de fondement, s'amoncelait.
Évidemment, le 9 janvier 2015, les attentats de l’Hypercasher étaient à analyser au prisme de la Palestine ; l’idée que j’aurais pu moi-même m’y trouver pour acheter des pletzel¹¹ ne pesait rien face à une interprétation du réel qui se voulait systémique. Je découvrais rapidement que parce que mes parents étaient Juifs, et que j’étais né Juif, refuser les préjugés antisémites faisait de moi un opposant à Dieudonné, qui s’opposait lui-même aux sionistes, j’étais donc un sioniste et donc un ennemi naturel de la Palestine. Comme si l’héritage était un déterminant politique, comme si cette sociologie fainéante valait quoi que ce soit, comme si je parlais nécessairement au nom d’un destin national et donc que je voulais en léser d’autres. La question de la religiosité, du rapport à Israël, mes vues sur la notion de communautarisme même n’avaient pas de prise sur mon appartenance a priori à une communauté. Bref, je découvrais un barrésisme de cour de récré, et Barrès se pensait sincèrement de gauche. Face à cette sincérité désarmante, il fallait comprendre comment on pouvait, sans se reconnaître raciste, inventer des ennemis là où il n'y avait que des semblables, ou tout au plus une indicible altérité. S’arrêter à l’explication de la haine raciste, c’était ne rien dire et ça ne conduisait à rien d’autre qu’à de la douleur. Constater qu’on craignait chez le Juif des velléités génocidaires a priori, quand on s’attachait à comprendre et déconstruire les préjugés dans toutes les autres strates minorisées, c’était au mieux reformuler la question du racisme avec les termes de la gauche. Si lutte il pouvait y avoir, il fallait commencer par attraper le fil de la rationalité qui semblait fuir toujours à mesure que la situation prenait de l’ampleur. Dans tous les cas, il y avait assignation, donc présupposition de schémas de pensées hérités ou acquis chez moi, qui m’excluaient d’une communauté. La question de la communauté, et de l’identité, étaient donc posées, restait à savoir comment s’en saisir.
Cette notion d’identité m’est d’abord devenue très suspecte. Oui, il existait des arbitraires de naissance, qui vous façonnent des trajectoires de vie mais ne vous imposent ni ce que vous devez penser, ni ce que vous devez être. Mais donc, pour peu qu’on en ait les moyens et la fantaisie, revenir à l'état de page vierge devait être possible, pensais-je, et la notion d’identité, juive ou pas, était absurde.
L’expérience m’apprit que non : la détresse que je ressentais face à cette haine arbitraire s'imposait à moi, que je le veuille ou non, et il a fallu que je me résigne à être, tout de même, Juif. Ni imaginaire, ni victimaire, car je n'avais personne auprès de qui me plaindre, mais un Juif certain que ce qui le constituait n'avait rien de coupable. Mais de cette certitude est née une idée de responsabilité, comme la découverte d'un secret qu’il faut garder pour le transmettre à qui voudra enfin écouter : le corpus de gauche contenait des absurdités, ceux qui criaient le plus fort étaient les plus écoutés et n’étaient sûrement pas les mieux renseignés, la gauche entière pouvait fermer les yeux sur une explosion de l'antisémitisme si elle ne parvenait pas à l'intégrer dans sa grille d'analyse, et les influences charismatiques se révélaient parfois plus fortes que la recherche de vérité chez des primo-militants.
Cette prise de conscience a constitué un fondement politique. Je me suis retrouvé dans une position singulière : de gauche, mais Juif, et plus encore, de gauche parce que Juif. L'injustice de l'assignation à vie par le hasard de la naissance est une expérience immédiatement universalisable, comparable à la misogynie et aux autres haines pour lesquelles il n’est même pas besoin d’invoquer l’idée d’une identité, ou d’une subjectivité de la personne stigmatisée, pour ressentir leur caractère absurde. Ma judéité cessait d'être un héritage culturel pour devenir une position politique. Et dans l’attente d’y voir plus clair, il fallait bien une morale provisoire pour éviter les écueils de l’arbitraire, c’est-à-dire pour se garder de toutes les erreurs qui pouvaient mener à l’antisémitisme. Parce qu’en me gardant de l’antisémitisme, je devais traquer le complotisme et le racisme, c’était donc une quête initiatique assez complète au royaume de la connerie humaine.
L’idée simple d’appartenance était déjà à proscrire, puisqu’elle désignait un intérieur et un extérieur, donc peut être une identité. Appartenance à des groupes distribués par les hasards de la naissance, oui ; mais cultiver des attachements privilégiés qui pourraient se traduire dans la défense politique d’intérêts communs, non. Par conséquent, chercher le réconfort auprès d'autres Juifs simplement parce qu'ils étaient Juifs, c'était déjà accorder trop de poids à un arbitraire : donc l’interdiction de rechercher un entourage juif parce que juif, de même que ma peur de l’antisémitisme ne devait pas dicter mes votes.
Si une culture, héritée, ne fait pas autorité, la seule communauté de grande ampleur qui me paraissait acceptable car la plus susceptible de ne pas être arbitraire, c’était un courant de pensée aux aspirations égalitaires et universalistes. Mais où raccrocher avec le camp de luttes, quand une frange se persuade que l’avenir de la géopolitique est à chercher chez Drumont ? Il fallait distinguer la Gauche de certaines de ses incarnations. Lutter contre les idées réactionnaires revendiquées, et contre ceux qui, maniant le concept sans se demander quels sont ses axiomes et dont le seul horizon est l’espoir de l’accession au pouvoir, ignorent le mal qu'ils font sur leur route et ce qu’ils deviennent en chemin : cette droite peinte en rouge qui se masturbe devant un miroir, qui sort du siècle de Bourdieu et se fait avoir par tous les Gorgias de passage.
Quel sur-place on a fait à gauche en quatre-vingts ans ! Comment en est-on arrivé à raisonner sans prendre en compte cent ans de campisme¹² ; à oublier que tous les anti-impérialistes ne sont pas des camarades ; à lever la main droite, peinte en rouge ou non, pour faire comme les copains, par un besoin d'appartenance sûrement non conscientisé ; à bâtir des systèmes grandioses sur des données infimes ? À continuer d’ignorer superbement tous les biais cognitifs qui nous mènent au pire ? Enfin, on s'arme pour dénoncer des problèmes systémiques, mais on oublie qu'un système est l'émergence de comportements individuels. Or, assigner une parole à une position sociale, raciale ou de genre, c'est une représentation ptolémaïque du cerveau humain, irrationnel et bourré de biais, qui ne demande qu'à être conforté dans son identité de groupe et son système de croyances. C’est se rassurer, aussi, pour ne pas réaliser que chaque erreur qui intègre le corpus croît de façon exponentielle. Combien d’idées réactionnaires qui ont été considérées comme de gauche avant que la génération suivante ne vienne dénuder le roi ! Militant de gauche, comment ne pas se méfier de soi-même, en voyant les anciens soixante-huitards devenus racistes par lassitude, les socdem devenus macronistes par bêtise, et les maos restés grotesques par constance !
Éloge de l’inconfort
Raison de plus de se méfier, fondamentalement, des concepts d'identité et de communauté. D’où une méfiance accrue envers tout réflexe religieux. L’antisémitisme m’aura rendu un temps laïcard pratiquant, mais non militant, comme je l’expliquerai plus loin. Quels qu’aient pu être les affects sociaux émergeant de systèmes de croyances, l’urgence criante de rationalité dans laquelle on se trouvait exigeait qu’on refuse de se contenter d’un corpus fini de textes pour en tirer une représentation du monde, nécessairement imparfaite, et empêchée dans sa perfectibilité par des axiomes immuables et décorrélés du réel. Je traquais tout ce qui me semblait infondé ou incertain et qui servait de base à des discours politiques, qu’il s’agisse de livres saints ou d’anathèmes hâtifs lancés contre un homme politique juif.
Il allait donc falloir charbonner ne serait-ce que pour se faire entendre, pour bouter l’antisémitisme hors de la gauche et enfin pouvoir endosser cette seule identité, purement intellectuelle, qui me paraissait me définir ? Qu’importe si j’aimais jouer du klezmer¹³, écouter Jacinta¹⁴ et cuisiner ashkénaze, La seule incarnation responsable de ma judéité héritée passait par la compréhension la plus fine possible des ressorts contemporains de l'antisémitisme, dans lesquels les mouvements de gauche commençaient à s’empêtrer. Tout ce qui permettait de ne pas se comprendre à peu de frais – le jargon, les polysémies, la complaisance intellectuelle qui se rassure par des arguments esthétiques –rendait perméable à tout ce que l'air du temps désigne comme désirable. Fallait-il se battre contre l'air du temps ou contre ses désirs ? Sûrement les deux, capitaine. Le camp de l'émancipation, s'il se voulait vraiment émancipateur, devrait arrêter de diluer les responsabilités personnelles dans les mouvements de masse. Il lui fallait retrouver une éthique individuelle.
Exiger que toute parole politique, antiraciste ou non, commence par une autocritique, un mouvement d’interrogation de ses certitudes, ça n’est pas le réflexe premier du militant, mais c’est peut-être la condition à une émancipation qui ne soit pas oppressante. Si l'action politique ne comporte pas un certain inconfort initial, il est peu probable qu'elle soit véritablement progressiste ou victorieuse. Sans exigence personnelle, sans autocensure perpétuelle, et connaissant notre tendance à rationaliser tout ce qui sert nos intérêts, comment s'assurer d'être guidé par les idées plutôt que par l'ambition, le besoin d'agir ou le désir d'appartenance, motivations moralement neutres mais qui font peu de cas de l'exigence de vérité ? Et partant, comment avoir l’ambition de mouvoir nos affects en mouvements de masse ? L’idée n’est pas de proposer une éthique allant contre la nature humaine ! Ce dont nous sommes sûrs n’est pas immédiatement de notre ressort, mais ce qu’on fait advenir sur la place publique l’est : nous choisissons d'agir ou non au risque de perpétuer un cycle d'injustices. Croire en étouffant les contradictions soulevées par autrui, fonder ses combats sur des haines ou une satisfaction perverse, s'apparente dangereusement aux mécanismes qui nourrissent l'extrême-droite. Non pas que les mouvements de gauche soient intrinsèquement fascistes ; mais le fait qu'ils puissent servir de vecteur à des idéologies dangereuses, comme le soralisme fut un pont à double sens entre l'extrême-droite et la gauche radicale, est une certitude. À l'image de ces allié·e·s qui ont pris conscience des problèmes d'antisémitisme au sein même des collectifs féministes et queer, et de l'intersectionnalité hémisphérique, il faut peut-être que nous atteignions tous ce degré d'inconfort ultime qui assène une bonne claque d'humilité, lorsque l'ego n'a plus de surface solide où se poser.
Peut-être est-ce là une spécificité juive : là où les non-Juifs peuvent philosopher sur la balance entre pertes et profits, conforts et gênes, dans le combat politique, les Juifs, eux, savent pertinemment que cette équation est insoluble, sous peine de disparition, et se demandent donc devant chaque compromission si elle n’est pas criminelle. Si l'antisémitisme resurgit à chaque crise politique¹⁵, c'est peut-être qu'une minorité, non prosélyte, trop peu nombreuse pour répondre à des milliers d'idées complotistes, mais trop résiliente pour que ces accusations fantaisistes ne paraissent complètement absurdes, peut servir de ciment social aux imbéciles. Pourquoi s'en priver, de ce confort passager ! D'un point de vue utilitariste, l'antisémitisme se défend, pourvu qu'on considère comme acquis sa nature commune d'imbécile, pourvu qu'une société complotiste, puis raciste, ne nous indispose pas. Sinon c'est moins défendable. Ceux qui à gauche ne sont ni fanatiques des Juifs ni israélobsédés, et qui ont regardé avec bienveillance l'OPA faite par Mélenchon sur le confusionisme soralien en jouant avec ses termes et ses thèmes, ceux là se disent sûrement que le rassemblement de la gauche vaut bien une synagogue incendiée, et puis deux, et puis depuis le temps on ne tient plus les comptes. Une ligne grise, tout au mieux, rien de bien méchant, on pourrait presque s'en convaincre. Sauf quand on est Juif, qu'on est pogromé tous les 36 du siècle, et qu'on se bat tous les jours pour qu'une vie vaille une vie, la sienne comprise. Quand on a aboli la morale chrétienne, et qu'on a oublié de se construire une éthique, on peut se convaincre que tous les coups retors sont permis tant que l'horizon est atteint. Le Juif vient te dire : tu ne m'aimes pas pour ce que je suis, si ce n'était que ça, tu n'en serais que fasciste ; mais en m'abîmant c'est tous les tiens que tu abîmeras, et tu es, de plus, criminel. Quel promontoire offre une vigie aussi claire ? Être Juif, je n’ai rien trouvé de mieux pour être de gauche et marcher droit.
Droit au confort, et communauté ?
Marcher sur une corde raide en sachant qu’il n’y aura jamais rien de bien solide au-dessous, non seulement ça ne mobilise pas, mais par principe ça isole. Or le but n’est ni d’être seul, ni résigné, ni exemplaire : c’est de faire ce qu’il faut pour être efficace sans être dangereux. Chacun fera son beurre, mettra ses principes de précaution où il voudra et croira aux récits qui lui chanteront, s’il sait ce qu’il fait. D’ailleurs, maintenant que les constats sur les dérives à gauche se partagent, et malgré les accusations en cabbale médiatiques que LFI a volées à Dieudonné, l'exigence de rigueur m’est moins écrasante : le sentiment de responsabilité se diffuse, l’exigence d’exemplarité s’affaisse, je peux enfin reconnaître qu’une halla à shabbat me rend heureux et que ce n’est pas coupable. On peut baisser sa garde quand la relève arrive, et le plaisir n'est pas dangereux s'il ne nuit pas à autrui. Le besoin d'appartenance est profondément humain, et renouer avec le plaisir de la communauté, parce qu’elle est pleine de références et de goûts communs, mais aussi parce qu’on s’y sent protégé en non-mixité, c’est parfois doux. Et pouvoir respirer au moment où l’antisémitisme explose en France, c’est presque une blague juive. Sur cette tension entre cette quête de la bonne façon, objective, de vivre pour ne pas nuire (et qu’on ne me nuise pas), et le plaisir qui naît de l’abandon à soi et à ses lubies irrationnelles ou désirantes, Sartre écrit :
« Nous signalerons la nature particulière de l’humanisme [du Juif], cette volonté de fraternité universelle qui se bute contre le plus obstiné des particularismes et le mélange bizarre d'amour, de mépris, d'admiration, de méfiance qu'il a pour ces hommes qui ne veulent pas de lui […] Sa psychologie utilitariste le conduit à chercher derrière les témoignages de sympathie que certains lui prodiguent le jeu des intérêts, le calcul, la comédie de la tolérance. Il se trompe rarement d'ailleurs. […] Il faudrait noter enfin la fraîcheur désarmée et la spontanéité inculte des sentiments juifs : tout entier occupé de rationaliser le monde, l'Israélite […] peut sans doute analyser ses affections, mais il ne peut les cultiver ; il se peut qu'il soit Proust mais non Barrès. C'est que la culture des sentiments et du moi suppose un traditionalisme profond, un goût du particulier et de l'irrationnel, un recours à des méthodes empiriques, la jouissance tranquille de privilèges mérités : ce sont là les principes d'une sensibilité aristocratique »¹⁶.
Cette phrase pleine de bêtises en dit sûrement davantage sur Sartre que sur les Juifs, mais il y a dans cette opposition fantasmée entre la rigueur analytique et la culture du moi quelque chose qui irrigue l’imaginaire collectif d’une gauche qui s’est faite un jour positiviste, un jour défiante vis-à-vis d’un scientisme suspect. Si tant est que l’opposition soit pertinente, il s’agit de la dépasser, et de faire donc la part des choses entre ce qui nécessite une logique formelle implacable et les situations dans lesquelles on peut, peut-être, lever le pied. Par exemple, mon athéisme est militant (mais non prosélyte, donc !) : face à l’urgence politique, écologique, démocratique… il me semble qu’il faille remettre à plus tard les questions métaphysiques, et en attendant, je prends le parti qui me permet le plus sûrement de produire des analyses dont je peux éprouver la conformité avec le réel. Ça n’est pas la solution la plus confortable, et surtout ça ne concerne que moi. Les croyances non déconstruites, pourvu qu'elles aient ce qu’il faut de recul sur elles-mêmes, ne sont à envisager que comme un luxe assorti de ses responsabilités. Cette approche est généralisable à toutes les aspirations identitaires, communautaires et téléologiques : ne pas empêcher les gens de croire et de se réunir, mais sensibiliser aux conséquences parfois néfastes de ce que l’esprit de groupe ou l’esprit de Parti peut générer ; savoir reconnaître une délégation de notre jugement, prendre la mesure de notre expertise ou de notre ignorance, tout ce qui est encore antinomique avec la plupart des affects romantiques qui poussent à militer – mais ce n’est qu’une question de culture militante.
L’idée est donc d’absolument protéger les besoins d’irrationalité de chacun, en les considérant comme un besoin à respecter, mais en réintroduisant la nécessité d'une exigence personnelle implacable. Cette proposition éthique, qui vise à réintégrer la responsabilité individuelle au sein du contrat collectif, me paraît très similaire à la manière dont on peut vulgariser le principe de laïcité. Recevoir une réponse plutôt que chercher par-dessus tout à comprendre le raisonnement qui y mène, demeure un acte de foi. Et il me semble plus hygiénique de laisser la foi avec tout ce qui n'est pas reproductible et donc susceptible d'être mâtiné de rapports de force comme peut l’être la parole publique. Si c’est une façon utopique de désigner une foi en l’être humain qui ne méconnaît pas ses passions, alors l’idée de la laïcité et ce qu’on peut en tirer me semble pleine de promesses.
Conclusion
Je suis persuadé que cette fragilité inconfortable est la seule manière efficace de lutter contre ce qui vient. Pour autant, ça n'implique pas une éthique du martyr. Une bonne dose de matérialisme et de la logique formelle qui sait raisonner droit suffiraient sûrement comme principes de précaution. Si on laissait les « on voit bien que » à Renaud Camus et Houria Bouteldja, qu'on se demandait de quels axiomes on part et où l’on veut aller, on pourrait peut-être déconstruire un peu mieux, more geometrico, en se méfiant de soi avant de se méfier des autres. Est-ce qu'une humanité mature verra le jour avant l'effondrement ou la mort thermique de l'univers ? Sûrement non. Il ne reste donc qu'à retarder la prochaine catastrophe. Ce n'est donc pas vain et c’est sans cesse impérieux ; voilà un horizon, pour les Juifves et pour l'Humanité.
Voici ce que paraît être une articulation possible de la judéité, la gauche et la laïcité aujourd’hui. Construit par héritage et par les conjonctures politiques, je tente de tenir le fil des aspirations universelles et de ma propre survie. Entre ces deux échelles, quelque part, la judéité, qui titille l’humanité autant qu’elle la représente. C’est l’option politique qui me paraît la plus pertinente, de là où je suis, face au constat partagé du danger fasciste qui revient, et contre lequel les principaux partis de gauche n'ont pas l'arsenal pour lutter. Si nous sommes dans l'urgence, la nécessité est l’exigence. Si cela passe par un retour aux fondamentaux et une dose de métapolitique pour se rappeler qui l’on est, où l’on va, et où l’on se positionne vis-à-vis de toutes les communautés auxquelles on appartient, ainsi soit-il. Refuser les récits et le poids de la généalogie comme présupposés politiques, est-ce de l’universalisme, de l’antifascisme, du laïcisme ? Selon qu’on l’envisage en termes de morale, de contrat social ou de programme politique, ça nous conduit au même point, celui de « vérifier encore un coup ses angles morts ». S'il faut du poil à gratter juif pour rappeler à l’humanité qu'elle devrait chercher le soulagement général, pas le confort personnel, alors grattouillons. Ça fait vingt ans que la gauche redevient antisémite, ça fait vingt ans que la gauche sert de marche-pied à l'extrême-droite ; pourtant, apprendre à ne pas se fasciser, en pataugeant dans le réel, plutôt que de se mettre au sec sur un rafiot essentialiste, c'est notre seule chance de lutter contre ce qui vient.
Quoi qu'il arrive : « Mir lebn eybik, es brent a velt, mir zaynen do » — « Nous vivons éternellement, le monde brûle, nous sommes là », ce n’est pas une revendication, c’est un constat.
Noé Burko est physicien et comédien. Ancien élève de l'ENS, il travaille sur l'application de la physique statistique aux dynamiques sociales. Engagé dans les luttes contre les discriminations, il s'intéresse particulièrement aux héritages bundistes dans la diaspora, ainsi qu'aux formes contemporaines des racismes et de l'antisémitisme dans les milieux progressistes. Il milite au RAAR et à Golem.
Notes de bas de page
Bundisme : mouvement révolutionnaire né en 1897 avec le Parti ouvrier juif de Lituanie, Pologne et Russie. Le Bund défendait l'autonomie culturelle juive en diaspora, la sécularisation du yiddish comme langue nationale et l'émancipation par la lutte des classes dans les pays de résidence.
Affaire Stavisky : krach financier de janvier 1934 révélant la corruption de parlementaires radicaux liés à l'escroc Alexandre Stavisky, qui déclenchera une crise de régime et des manifestations d'extrême droite aux cris de « À bas les Juifs ».
Doykaït : concept central du bundisme signifiant "être-ici" en yiddish. Doctrine de l'enracinement diasporique prônant la conquête des droits nationaux là où l'histoire avait établi les communautés juives. S'articule avec la yiddishkayt (judéité culturelle laïque) et l'internationalisme prolétarien.
Arbeter Ring : cercle ouvrier fondé en 1900 aux États-Unis, implanté en France après 1945. Structure d'éducation populaire bundiste organisant la solidarité ouvrière juive et la transmission laïque de la culture yiddish, ancêtre du Centre Medem parisien.
Nationalitaire : conception bundiste de la nation juive comme entité culturelle et linguistique transnationale, distincte de l'État-nation territorial. Cette doctrine revendiquait une autonomie culturelle collective fondée sur la langue yiddish et les institutions communautaires. Cf. Richard Marienstras, Être un peuple en diaspora.
Yiddishland : espace géoculturel des communautés yiddishophones d'Europe centrale et orientale, détruit par la Shoah et l'assimilation soviétique.
OCI : Organisation Communiste Internationaliste, section française de la IVe Internationale trotskyste, historiquement dirigée par Pierre Lambert.
Roger Garaudy (1913-2012) : philosophe marxiste devenu négationniste. Exclu du PCF en 1970, il publia en 1995 Les Mythes fondateurs de la politique israélienne, matrice du négationnisme de gauche contemporain comme de celui de Faurisson.
Etienne Chouard : professeur d'économie-gestion devenu figure du mouvement constituant après 2005. La succès de ses ateliers et sa critique de l'UE en ont fait une figure encensée à gauche, malgré ses accointances avec Alain Soral et ses propos négationnistes. Après s’être enfoncé toujours plus avant dans le complotisme, il est aujourd’hui communément reconnu comme rouge-brun.
Françoise Vergès : politologue spécialiste des questions postcoloniales et ignare en matière de luttes juives pour la reconnaissance de la Shoah, elle théorise la mise en concurrence des mémoires entre Shoah et esclavage. Sa méconnaissance du sujet de l’antisémitisme et des décennies de luttes juives pour la reconnaissance de la Shoah ne l’empêchent pas d’en parler, principalement pour nier l’antisémitisme ou fustiger son instrumentalisation. Lire la recension d’Alexandre Journo du livre Contre l’Antisémitisme et ses Instrumentalisations, auquel elle contribue.
Pletzel : pain plat traditionnel ashkénaze garni d'oignons et de graines de pavot.
Campisme : grille de lecture géopolitique héritée de la guerre froide, structurant l'analyse en "camps" antagonistes (impérialiste/anti-impérialiste). Cette logique binaire influence encore une partie de la gauche radicale dans son approche des conflits internationaux.
Klezmer : musique traditionnelle juive ashkénaze, instrumentale et festive, née en Europe de l'Est aux XVIe-XVIIe siècles. Caractérisée par ses mélodies expressives mêlant joie et mélancolie, elle accompagnait traditionnellement les célébrations communautaires.
Jacinta : auteure, compositrice, interprète franco-argentine, chantant en yiddish, français, judéo-espagnol…
Il faut prendre la mesure de l’absurdité que contient concrètement cette assertion qu’on ne prend plus la peine de lire : lorsque les gens ne savent plus cohabiter pacifiquement, une haine vertueuse contre les Juifs apparaît, et immanquablement on parvient à se persuader que d’accord, jusqu’à présent ces persécutions avaient des motifs obscurantistes, mais aujourd’hui nous sommes éclairés, et notre ressentiment est justifié.
Jean-Paul Sartre, Réflexions sur la question juive, Folio essais, Gallimard, Paris, 1985, p.77.