À la marge du Tanakh : la tribu de Judah, la religion populaire et les origines du judaïsme

Élie Beressi / Illustrations : Léa Lazare


« Souviens toi des jours anciens » nous intime la Torah (Dt.32:7). L’histoire de nos ancêtres n’est pas toujours celle qu’on se remémore, consignée dans nos livres sacrés. Dans cet article, Elie Beressi nous propose de faire un pas de côté ;  à la recherche d’un judaïsme pré-exilique et de ses traditions particulières. Un « judaïsme » où la fidélité à YHWH n’est pas toujours indexée à la norme établie par la Torah telle qu’elle fut compilée par les élites sacerdotales déportées en Babylonie. Un judaïsme syncrétique, populaire, archaïque, effacé par les réformes d’Ezra et des scribes rapatriés de Babylone, à la marge de l’histoire d’Israël et de la mémoire juive contemporaine, victime de l’Histoire.

Les origines de la tribu de Judah sont peut-être, parmi celles des douzes tribus d’Israël, celles qui sont les plus obscures. Cette tribu, qui donne aujourd'hui son nom à l’ensemble du peuple juif est restée jusqu’à tardivement un groupe marginal dans l’histoire préexilique du peuple d’Israël. Au quatorzième siècle avant l’ère chrétienne, les hautes terres du sud de Canaan sont un espace en marge de la marqueterie des cités-États sous domination coloniale égyptienne, moins peuplée, moins fertile. La montagne d’Hébron est dominée par sa cité éponyme, ses campagnes ne sont pas encore les collines pelées que l’on connaît aujourd’hui. Près des villes, l’on exploite des cultures en terrasses qui laissent encore leurs traces dans le paysage palestinien trois-mille-cinq-cents ans plus tard, les vignes ayant été remplacées progressivement par les oliveraies. Le reste du pays est couvert de forêts de chênes et de térébinthes. Le terrain est accidenté, alternant collines et vallées profondes creusées par des wadis. Ce paysage donne son nom au pays, 'ereṣ Yehūdã, qui signifie « terre des ravins »¹. Ces accidents s'arrêtent brutalement au sud, s’ouvrant sur les étendues du désert du Negev et la dépression de la mer morte. Au sud-ouest, la vallée fertile de la ‘Arabah, et les montagnes du Seìr, où sont établis les Bnê ‘Edom, qui entretiennent de forts liens claniques avec les tribus de la montagne d’Hébron. Ne disent-ils pas que leur ancêtre divin, ‘Esav, avait pour femme une hétéenne appelée Yehūdīt (Gn 26:34) ? Cette amalgame de clans et tribus d’origines diverses fera dire au prophète  Yeḥezk‘el (c.621-571) plusieurs siècles plus tard : « Tu diras: Ainsi parle le Seigneur, l'Eternel, à Jérusalem: Par ton origine et ta naissance tu es du pays de Canaan; ton père était un Amoréen, et ta mère une Hittite » (Ez 16:3). 


Deux sociétés cohabitent dans cette montagne d’Hébron, semi-nomades Ḫabiru² et sédentaires, Amoréens³, Hétéens, Hivites, Jebusites, peuplant les villes et Perizzites peuplant leur périphérie agricole immédiate. Tous parlent la même langue, la langue de Canaan. Tous adorent les mêmes dieux, une cohorte de puissances astrales, « les armées des cieux » ; « dieux beaux et gracieux » : la triade d’Hébron Akhiman, Sheshaï, Talmaï, dont le souvenir dans la Bible est ambivalent, tantôt fils du géant ‘Anaq (Nb 13:22 ; Js 15:14 ; Jg 1:10), tantôt anges de YHWH rendant visite à Avraham (Gn 18:1-3) ; la dyade de Jérusalem, Shalīm (le crépuscule) et Shaḥār (l’aube), le patron de Jéricho Yeraḫ (la lune) et plusieurs « reines du ciel » (‘Ashīmā Bet‘El, ‘Anat-Bet‘El, ‘Asherā) qui sont adorées comme parèdres de divinités mâles ou en leur nom propre. Tous sont les enfants d’‘El-Shaddaï, le seigneur des montagnes, connu ailleurs comme ‘El-Elyōn, « le très haut ». Certaines tribus en marge des villes adorent également leur ancêtre ‘Avrām, « le père-divin » fils de Yeraḫ. Elles lui rendent visite dans les sanctuaires près d’Hébron (les « champs d‘Avrām », des bas-reliefs égyptiens de la vingt-deuxième dynastie), peut-être aux chênes de Mambré et à la cave de Maḵpēlā.  Dans ces sanctuaires, les Ḫabiru font commerce avec les prostituées-sacrées de Tamar la déesse-palmier cananéenne ou pleurent sur la tombe de Saraï, épouse princière du père divin, peut-être la déesse Sharayāt de Bosrah dans le Hauran. Pour les clans de Judah, ce ne sont pas encore des « autres dieux » (‘elohim aḥerim) mais les dieux de leurs pères. Ainsi, les clans de Judah « adoraient des dieux nombreux et poétiques, ils les chantaient dans leurs épopées et croyaient eux-même être les fils de leurs dieux et de leurs déesses »¹⁰


Ḫabiru et gens des villes ont la même langue, les mêmes dieux, nouent des traités d’alliances, des alliances matrimoniales. Mais malgré celà, Ḫabiru et gens des villes vivent côte à côte plus qu’ensemble. Leurs modes de vie, leurs représentations du monde, offrent une dichotomie notable. Les seconds vivent dans une société différenciée, hiérarchisée, une place pour chaque homme, chaque homme à sa place. Dans les acropoles, les palais des roitelets (Ḫazzanu) soumis à l’Égypte s’adossent aux temples des dieux, et depuis ces édifices un peuple de prêtres, de scribes et de guerriers domine la ville des marchands et des artisans, qui elle-même domine la campagne environnante. Les Ḫabiru vivent en marge de ce système, ils vivent à la lisière de la steppe, avec leur petit bétail et leurs ânes dont ils suivent la transhumance, se livrant parfois au brigandage ou au mercenariat. Une tribu de trois-cent-dix-huit guerriers (Gn 14:14), c’est un campement de trois-cent-cinquante tentes et une population de mille-deux-cents personnes et son cheptel de chèvres, de moutons et d’onagres. La famille n’est pas une famille au sens moderne, mais la réunion libre des fils de sang ou adoptés, des serviteurs, des alliés, clients, esclaves et affranchis, de leurs épouses et de leurs enfants, dirigés plutôt que commandés, en tout cas réunie sous les auspices du plus âgé des parents mâles, l’ancien ou zaqen (« barbu »), gardien des terafim du clan, celui qui scelle les alliances, les transactions, réalise les sacrifices. 


Mais voilà que les temps changent. Les dieux beaux et gracieux, les armées des cieux qui président aux saisons semblent mourir. L’été est plus long, plus chaud, plus sec. La famine guette. Dans les villes, dans les campagnes, la faim fait gémir les ventres et gronder la révolution contre les principules et les prêtres qui s’accaparent le pain et prient des dieux qui semblent avoir voilé leur face et abandonné le monde. Les Ḫazzanu appellent à l’aide leurs maîtres égyptiens, mais dans sa capitale d'Akhenaton, le pharaon hérétique reste sourd à leurs cris. Venus du sud, les nomades Shasu, « chiens du désert » des bas-reliefs et papyrus égyptiens¹¹, remontent vers Canaan en quête de nouvelles pâtures, les Qénites, tribus de forgerons¹², les suivent. Dans leur sillage, d’étranges pérégrins qui se disent échappés d’Égypte, prêchent la parole d’un Dieu nouveau au nom secret — YHWH — qu’ils disent avoir rencontré dans le désert, dans la vicissitude du Séir.  Ḫabiru, Shashu et paysans en révolte s’allient au Dieu nouveau contre les villes et leurs dieux morts¹³. Les archives diplomatiques égyptiennes témoignent du chaos qui traverse le pays¹⁴ : Ashkelon est prise, sa population à fait allégeance aux Ḫabiru ; Gezer est assiégée, sa population se révolte ; Hébron, Jérusalem et Lakhish se liguent contre les rebelles. Hébron est conquise par les Ḫabiru et les Kalébites, un clan édomite ; la triade Akhiman, Sheshaï, Talmaï en est extirpée. Jérusalem est pillée, le roi de Lakhish est tué et la ville prise. Les déprédations des bandes du pays de Judah sont signalées loin au nord du pays de Canaan¹⁵. Plus tard, les scribes de Jérusalem harmoniseront les souvenirs de cette période de chaos pour en faire le geste épique de la conquête du pays par Israël¹⁶. En Égypte, la dix-huitième dynastie s’étend et de nouveaux Pharaons plus énergiques entreprennent de reprendre le pays en main. Mais les rebelles peuplent désormais les hautes terres dans de nouveaux villages en pierre, dont l’organisation rappelle les anciens cercles de tentes. Puis vient une nouvelle famine, plus terrible encore. Les villes meurent. Les villages autonomes survivent. Les peuples de la mer, Achéens, Philistins, déferlent sur Troie, l’Anatolie, la Syrie et l’Égypte. Fuyant l’effondrement du Mitanni, des tribus araméennes venues d’Aram-Naharayim¹⁷, entrent en Canaan¹⁸. Elles rencontrent les prêcheurs venus d’Égypte et du Séir, elles font alliance à Shekhem et prennent le nom d’Israël. En 1207 avant l’ère chrétienne, elles affrontent les armées du Pharaon Merneptah, peut-être dans le Bashan¹⁹ ou à Mei Neftoaḥ²⁰. Chacun clame une victoire définitive. Les tribus d’Israël au nord et les tribus de Judah au sud demeurent alors séparées malgré une allégeance commune au dieu nouveau venu du Seïr. 

C’est la guerre et non la foi qui va les réunir une première fois : après l’échec de leur invasion de l’Égypte, les Philistins reçoivent de Pharaon les villes d’‘Ekron, Gath, Ashkelon, Ashdod et Gaza pour garder sa frontière orientale. Les Philistins apportèrent avec eux des armes de fer qui brisent les glaives de bronze des peuples de Canaan et percent leurs boucliers. Ils étendent leurs territoires sur le long de la côte et pénètrent. Leurs Sérèn, « Tyrans », refoulent les tribus dans les montagnes, les soumettent à l’impôt. Un chef de guerre est couronné roi en Israël. Sha‘ul rejette les Philistins hors de la montagne d’Ephraïm. Les Philistins se regroupent, attaquent de nouveau les hautes terres, cette fois par le sud, ils prennent la Shephelah, remontent la vallée du Térébinthe, menaçant  les clans de Judah de la région de Bethléem et d’Ephrata, parmis lesquels le clan de David et de ses frères. Judah s'allie alors à Israël, et David devient une sorte de condottiere au service du nord avant que des disgrâces le poussent au service des Philistins. Mais David à déjà pris goût au commandement, il veut maintenant goûter au pouvoir. Mercenaire en maraude, un Ḫabiru soutenu par les Philistins contre lesquels il luttait initialement aux côtés Sha‘ul et ses tribus du nord, il se taille un fief à Tsiqlag, pacifie le Negev, se fait couronner roi à Hébron. Il n’est pas en mesure d’aller plus loin, il n’ose d’ailleurs pas, Sha‘ul est encore l’oint de YHWH, sa personne est tabou (1S 26:9-10). Lorsque lui et son fils Yonathan sont tués au combat, Ishba‘al, héritier imprévu et falot se retire à Mahanayim au-delà du Jourdain, à l'abri des Philistins. Mais pas à l'abri des intrigues de David. Bientôt David est seul maître du Nord comme du Sud et pendant deux générations, Judah et Israël auront un seul roi. La recherche scientifique contemporaine met en doute ce point : comment Judah, plus pauvre, moins peuplé, aurait pu dominer le Nord riche, fertile et populeux et imposer le tribut à ‘Edom, Mo‘av, ‘Ammon, ‘Aram ? Mais la réponse est peut-être dans la question : l'âpreté du sol fait de l’homme un prédateur, avide du confort des terres arables qui sont pour lui déjà un luxe. L’historien arabe Ibn Ḫaldûn (1332-1406) en parle longuement, l’une des lois de l’histoire est la prise périodique de pouvoir des bédouins sur les sédentaires, leur décadence et leur expulsion²¹. Ce que les Ḫabiru ont réussi en Canaan au XIVe siècle, Judah le réussit en Israël au tournant des XIe et Xe siècles²². Dans la petite citadelle de Jérusalem, David puis Salomon, drainent la richesse des champs fertiles du Nord, ses troupeaux gras, son grain et sa ville ; dans les mines étouffantes d’‘Edom, ils prennent le cuivre, métal précieux. Les scribes écrivent l’histoire officielle du royaume, les demi-dieux deviennent des patriarches, les généalogies sont réécrites. Yeraḫ le Dieu lune devient Teraḫ l’araméen, ‘Avram d’Hébron devient ‘Avraham premier patriarche d’Israël. La monarchie de Jérusalem devient tout ce contre quoi Judah et Israël s’étaient rebellés : une cour royale grasse, gourmande, une bureaucratie élégante mais dispendieuse. Le Nord se révolte, ses terres riches et son peuple nombreux lui assurent de devenir un royaume indépendant, puissant et qui pendant deux siècles éclipsera un Sud pauvre, relégué à nouveau à la marge de l’histoire.


Deux siècles plus tard, les Assyriens déferlent depuis le Nord. Ils prennent l’Aram, la côte des Sidoniens, en -722 ils prennent Samarie, la capitale d’Israël, déportent trente mille des plus illustres membres du peuple, les princes, les soldats, les artisans. Les réfugiés affluent vers le Sud à Jérusalem. Les prêtres et les scribes y apportent leurs traditions, leurs écrits, se mettent au service des rois de Judah. La vague de réfugiés israélites à Jérusalem et dans les villes de Judah achève, avec le mélange des populations, l’harmonisation progressive des traditions israélites et judahites — visible dans les gloses éditoriales et les efforts de conciliation du texte biblique — qui se compare aisément à des processus similaires dans d’autres cultures, comme la réinterprétation islamique des légendes sud-arabiques. Israël et Judah ne font à nouveau qu’un, Judah est Israël. Le travail entrepris par la cour de David et Shelōmō doit reprendre. On compile les rouleaux, ce que la critique biblique appellera les documents J et E²³. Les clans de scribes, de prêtres et de prophètes débattent, la théologie et l’historiographie s’affrontent pendant un siècle, ce sont les écoles qui produiront les documents P et D et les écrits prophétiques. Pendant ce temps les rois se succèdent, Ḥizqiyahu (Ezéchias), Menashê (Manassé), ‘Ammon (Amon), Yoshiyahu (Josias). 

Hors de Jérusalem, dans la périphérie rurale de Judah, la vie suit son cours, tourmentée par les réformes des rois de Jérusalem et les invasions des rois de Ninive et de Babylone. Les dieux sont morts disions-nous… pas tout à fait. YHWH le roi de la création règne sur Israël et Judah, il règne aussi encore sur un peuple de dieux subalternes, les anciens dieux du pays, les dieux astraux et saisonniers qui peuplent les cieux, les sources, les champs et les foyers²⁴. Ce sont les Mazzārōṯ, les Se'īrīm, ‘Elilīm²⁵. Le parti de la réforme les déclare des Shedīm, des démons, mais ne sont-ils pas plutôt les bons anges de YHWH, qui protègent les femmes et les enfants du mauvais œil, des Līlīn et autres mauvais esprits ? Les paysans de Judah les côtoient tous les jours. On leur offre des libations, on leur fait des festivals aux Bammōt²⁶, les femmes pleurent annuellement la mort de Tammūz (Ez 8:14) et font des gâteaux pour la Reine du ciel (Jr 7:18). Parfois, plus cruellement, on brûle un enfant dans un val obscur²⁷. Ils vivent encore une demi-vie sous la gouverne du Dieu vivant, dont ont porte au cou sur des amulettes d’argent la bénédiction :

יברכך ה' וישמרך‎
יאר ה'  פניו אליך ויחנך‎
ישא ה'  פניו אליך וישם לך שלום

Que YHWH te bénisse et te garde
Que
YHWH fasse luire sa face vers toi, et te soit miséricordieux;
Que
YHWH lève sa face vers toi, et qu’il te donne la paix;

C’est la vie quotidienne du petit peuple qui est attachée à ces protecteurs familiers à un degré différent, ni moindre ni supérieur, mais affectivement autre, de leur loyauté au Dieu du royaume. C’est la religion traditionnelle que les réformistes veulent sarcler. YHWH ne doit pas avoir simplement la loyauté du roi et du peuple, il doit être le seul. L’arrivée des réfugiés israélites en territoire judahite participa de l'accélération de la révolution religieuse yahviste. Et c’est à partir de cette période que l’on peut désormais parler de Juifs. L’unification des populations, avortée sous David, est mise en œuvre sous Ḥizqiyahu (Ezéchias, c. 720-692) à travers une politique d’harmonisation religieuse qui prend rapidement l’aspect d’une révolution imposée verticalement. ‘El et YHWH, librement identifiés dans le Nord comme pères et fils, ou deux faces d’un même principe suprême, sont ici strictement définis comme un Dieu unique²⁸. Unique mais point encore solitaire jusque tardivement, la monarchie juive consacrait la nation à YHWH mais lui reconnaissait des compagnes. Plusieurs inscriptions évoquent YHWH et sont ‘Ashera, à Jérusalem, YHWH semblait être adoré comme chef d’une triade divine,  celle-ci ne survivra pas à Jérusalem où les réformes de Ḥizqiyahu et de son arrière-petit-fils Yoshiyāhū ont supprimé les formes traditionnelles du culte au profit du monothéisme épuré des cercles scribaux. 


Ḥizqiyahu est un roi tout dédié à son Dieu. Il a vingt-cinq ans, deux ans avant de monter sur le trône, il a vu Israël détruit par l’Assyrie. Les prophètes Mikhāh et Yeshayāhū proclament que c’est le jugement de YHWH contre le Nord idolâtre. Pour le jeune roi encore sous l’impression de la catastrophe, cela donne un sens à l’histoire. Le parti réformiste a donc son oreille. Il veut refonder Judah sur les fondations solides, le rocher d’Israël. Il faut centraliser, fermer les sanctuaires de province, pensionner les officiants de ceux-ci mais leur interdire d’exercer. Il faut une révolution culturelle, un nouveau régime. À Sion, Neḥushtān²⁹, un étendard Wadjet³⁰ de style égyptien, figure du serpent d’airain, est mis en pièce, peut-être au déplaisir des prêtres réfugiés du Nord qui attribuaient de tels emblèmes à Moïse. Lespiliers et arbres sacrés des reines du ciel sont abattus. L’or et le bronze récupérés sur les idoles et sanctuaires détruits sont recyclés pour les ornements du temple de Jérusalem. Pour Mikhāh et Yeshayahu (Esaïe) c’est la garantie de la faveur de YHWH qui épargnera ainsi à Judah le jugement prononcé contre Israël deux ans auparavant. Dès lors, l’Assyrie ni les Philistins ne pourront empêcher Judah de se libérer du vasselage étranger. Du point de vue du paysan juif à qui l’on interdit ses rites traditionnels, la suite des événements va dédire toute l’élite réformatrice de Jérusalem. L’Assyrie fond à nouveau sur le pays, les villes et les forteresses tombent, et Ḥizqiyahu est « piégé dans sa ville royale, comme un oiseau en cage »³¹. Les émissaires du roi de Ninive apostrophent les habitants de Jérusalem « Vous me répliqueriez peut-être: "Nous mettons notre confiance dans l’Éternel, notre Dieu!" Mais n’est-ce pas ce Dieu dont Ḥizqiyahu a fait disparaître les hauts lieux et les autels en prescrivant aux gens de Juda et de Jérusalem de ne se prosterner que devant cet autel, à Jérusalem? » (Es 36:7). Les officiels Juifs s’effraient de ce que l’émissaire assyrien le dise en hébreu, le peuple pourrait entendre, parlons plutôt en syriaque ! Mais les Assyriens savent ce qu’ils font. Les dieux des nations n’ont pas sauvé celles-ci de la domination assyrienne, pourquoi un Dieu dont on a détruit les sanctuaires et banni les épouses sauverait Jérusalem ? Jérusalem pourtant est épargnée, les textes bibliques nous disent que l’ange de YHWH décima le camp assyrien. Peut-être les trente talents d’or et trois cents talents d’argent pris au temple qu’Ḥizqiyahu offre en tribut à Sennacherib ont fait lever le camp aux troupes ninivites. Quoi qu’il en soit la ville de YHWH est inviolée. Mais le pays est dévasté. 


Menashê (c.692-638), succède à son père. Il a douze ans, il règnera cinquante-cinq ans. Lui penche plutôt du côté de la religion traditionnelle : le pays n’a-t-il pas été livré à l’Assyrie suite aux réformes de son père ? Il restaure les sanctuaires dans la campagne et à Jérusalem pour l’armée des cieux. Le petit peuple retrouve ses petits dieux. Mais l'infidélité à un prix. Dans le Tanakh, on nous dit que Menashē fait passer un ou plusieurs de ses fils par le feu dans la vallée du Hinnōm. Rite agraire annuel ou expiation pour les sacrilèges de son père ? Il ne faut pas en tout cas passer avec pudeur sur ces rites-là. C’est une religion colorée, sensuelle et violente, elle ne délaisse pas YHWH, elle l'entoure d’une cour surnaturelle d’intermédiaires qui accompagnent les hommes dans leur vie et dans leur mort, une religion folklorique et superstitieuse. Même quand les cieux seront dépeuplés des autres puissances, jusque dans le long moyen-âge juif, la religion populaire continuera à affectionner les intermédiaires bienveillants, les sarìm tōvìm et memmūnim bons princes et députés de YHWH³². Cette foi commune, piété particulière si opposée à celle promue dans les écritures, le Talmud en garde la trace. Celui-ci en effet, dans le traité Sanhédrin (102b 2-4) relate l’histoire de Rav Ashi (352-427 de l’ère chrétienne) visité en rêve par le roi Menashe. Ce dernier lui prouve son érudition supérieure en Torah, ce qui surprend d’autant plus le Rav Ashi qui ne comprend alors pas comment ce roi si fin connaisseur de la halakha s’est livré au culte des astres et des idoles. Ce à quoi Menashe lui rétorque : « Si tu avais été là à ce moment-là, tu aurais pris et soulevé le pan de ton manteau et couru après moi en raison du désir farouche de s'adonner au culte des idoles »

Sous la gouverne de Menashē, le royaume fut en paix pendant cinquante-cinq ans, pansant les blessures douloureuses de la guerre assyrienne. Prudemment il servit le roi d’Assyrie, Assurbanipal (c.669-27), lui fournissant avec vingt-deux autres rois, des soldats pour sa campagne en Égypte. C’est peut-être là, avec ces garnisons permanentes, que commence l’histoire de la communauté juive d’Égypte. Ils emportèrent avec eux cette foi, la religion des districts ruraux de Judah telle qu’ils la connaissaient au temps de ce qui devait être pour eux le « bon roi Menashê ». Lorsque le petit-fils de Menashê monte sur le trône, Yoshiyau (c.638-609), le parti de la réforme reprend la main à Jérusalem, cette fois définitivement. Shafān le scribe et Ḥilqiyyā le prêtre obtiennent la suppression du culte traditionnel, les sanctuaires ruraux furent pollués, leurs prêtres pensionnés sur la dîme du temple de Jérusalem mais interdits d’exercer, et le roi annexe la province de Samarie et détruit le temple de Béthel, suscitant l'enthousiasme du prophète Yrimiyāhū qui devait plus tard être témoin de la chute de Jérusalem. Les opposants à la réforme, en particulier les judéo-araméens de Béthel, trouvent refuge en Égypte avec leurs dieux, ‘Eshembethel et ‘Anatbethel déjà chassées de Jérusalem sous Ḥizqiyahu. Ils y trouvent une communauté juive déjà bien établie dans le pays, parlant la « langue de Canaan ». Pour le bon sens paysan, la mort de Yōʾšīyahū face au Pharaon Nékao II (c.610-595) ne devait être que la conséquence logique des indélicatesses du roi vis-à-vis des sanctuaires ruraux et des compagnes de YHWH. La haute main des réformateurs, l’instabilité et le rapide déclin de Judah jusqu’à la prise de Jérusalem par Nabuchodonosor en 587 n’incitèrent pas les réfugiés à revenir au pays. Au contraire, les événements que la tradition qualifiera de ḥurbān provoquèrent, parallèlement aux déportations vers la Mésopotamie, une nouvelle vague massive de réfugiés en Égypte… et un retour à la religion traditionnelle face à la catastrophe nationale.

La mémoire commune s’est cristallisée sur la captivité à Babylone. Cette dernière, issue de trois vagues de déportation (595, 587 et 581) fut massive mais ciblée : les élites, officiers, prêtres, scribes et artisans furent déportés à Babylone, c’était les gens de bien, gravitant autour du trône et de l’autel, et les classes sociales assurant le fonctionnement de l’économie palatiale. C’était les partisans de la réforme. Le professeur Israël Finkelstein de l’université de Tel-Aviv, en accord avec des évaluations antérieures, estime à près de vingt-mille le nombre de ces déportés, soit un quart de la population de Judah³³ alors d’environ quatre-vingt-dix-mille personnes³⁴. Or, le professeur Avraham Faust, de l’Université Bar-Ilan, estime que la population de Judah après l’occupation babylonienne s’est trouvée réduite à un dixième de son niveau d’avant guerre, soit neuf-mille personnes³⁵. Qu’est-il arrivé aux soixante-et-un mille habitants restants, pour l’essentiel les strates pauvres et les masses rurales de Judah ?  Bien sûr la guerre et la famine qui l’accompagne ont dû faire des ravages dans la population. Mais le Tanakh nous dit clairement ce qu’il en est, la majorité de la population appauvrie et apeurée a fui une contrée ravagée et en proie à l’instabilité politique alors que le gouvernement fantoche installé par les Babyloniens et ses partisans faisait l’objet d’une vendetta de la part de milieux nationalistes menée par des membres de la famille royale restée sur place et que les Edomites progressaient vers le Nord, occupant Hébron et peut-être ayant mis à sac les ruines de Jérusalem. Gedalyāh ben Ahikam, petit-fils de Shafān, l’un des principaux artisans de la réforme monothéiste de Yoshiyāhū, est assassiné par le prince Ishma’el ben Netanyah, craignant la répression Babylonienne, « Tout le peuple, jeunes et vieux, et les officiers des troupes, se mirent en route pour l'Égypte » (2R 25:25-26) sous la conduite de Yohanan ben Kareah. Là, ils rejoignent les Juifs déjà établis en Égypte depuis le temps du roi Mēnashē et qui y pratiquent l’ancienne religion dans un temple consacré à YHW(H) sur l’île d'Éléphantine selon les formes traditionnelles³⁶ où le dieu d’Israël partage la dévotion des fidèles avec ses compagnes et hypostases ‘Anat-Bethel et ‘Eshem-Bethel, perpétuant le culte de la triade de Jérusalem. Ce faisant, les réfugiés juifs en Égypte font preuve d’une rationalité et d’une agentivité politique et historique propre, ils s’opposent sciemment aux chantres de la réforme, tels que Yirmiyahu (Jérémie), qui déclarent que le culte de la reine du ciel comme complément du culte de YHWH est à l’origine de la destruction de la nation, alors que l'enchaînement des évènement depuis quatre générations semble prouver le contraire aux vestiges d’Israël et de Judah, notamment aux femmes qui retoquent ainsi les vaticinations du prophète :

La communication que tu nous fais au nom de YHWH, nous ne l’accueillons pas de ta part Mais, au contraire, nous sommes résolus à faire tout ce que nos lèvres ont proféré : brûler de l’encens à la Reine des cieux, répandre des libations en son honneur, comme nous l’avons fait, nous et nos pères, nos rois et nos princes, dans les villes de Juda et les rues de Jérusalem ; car alors nous mangions du pain à satiété, nous vivions heureux et ne connaissions pas les revers.

Mais du jour où nous avons cessé de brûler de l’encens à la Reine des cieux et de lui offrir des libations, nous avons manqué de tout, et nous avons été décimés par le glaive et par la famine.

(Jérémie, 44:16-18)

Cet exode massif n’entrera pas dans la mémoire collective juive, il y restera à la marge sans doute comme un élément refoulé, car représentatif d’un judaïsme de la période du premier temple qui ne correspondait pas au modèle des élites exilées à Babylone et dont l’‘alyah, le rapatriement à Jérusalem, devait alors promouvoir un judaïsme réformé, dépouillé de ce que ‘Ezra et ses collègues considèrent comme l’esprit de l’idolatrie que les ‘olei Bavel auraient extirpé du cœur du peuple, ainsi le talmud rapport dans le traité Sanhédrin (64a: 6-7) qu’au temps de la restauration, les ‘Olei Bavel (les rapatriés de Babylone), sous la conduite du prophète Zacharie, rebatissent le temple et découvrent dans les ruines du saint des saints, un « lionceau enflammé », symbolisant le penchant de la nation à l’idolâtrie. Sur les instructions du prophète, le peuple enfermait ce mauvais génie dans une jarre de plomb , afin que le ciel n’entende point ses cris et ne « prenne pitié de lui ». Et ainsi le penchant de l'idolâtrie fut retranché du peuple.

Que dans ce passage du Talmud, l'esprit d'idolâtrie apparaisse sous la forme d’un lionceau, alors même que le lion était l’emblème de la dynastie davidique, était associé à la déesse ‘Anath-YHW que YHWH est parfois désigné par les Juifs d’Égypte comme « Lion d’Israël »³⁷, peut être interprété comme une critique explicite et injurieuse de l’ancienne monarchie et des tenants de la religion préexilique traditionnelle encore pratiquée hors des cercles de la communauté reconstruite et réformée à Jérusalem. 


Finalement, le judaïsme du premier temple s’éteindra dans les feux du premier pogrom de l’histoire sur les bords du Nil en 410 avant l’ère chrétienne et la destruction de leur temple exilique. À Jérusalem, le culte se réorganise autour du Temple et de la loi, tels que repensés par le scribe ‘Ezra et finalement imposés par la dynastie hasmonéenne³⁸. Une nouvelle époque commence pour le judaïsme, un judaïsme dont les structures fondamentales seront encore ébranlées par la destruction du Second Temple en l’an 70 de l’ère chrétienne, mais dont le socle, la loi, continue encore aujourd’hui d’être le barycentre de la dyade YHWH-Israël jusqu’à nos jours.


Territoire des clans de Judah et clans apparentés avant l'installation des tribus du Nord (XIVe siècle avant l’ère chrétienne).

Les tribus du Nord et les tribus du Sud vers le XIIIe siècle avant l’ère chrétienne.


Élie Beressi est analyste politique et doctorant en relations internationales au CERI (Sciences Po/CNRS).

Notes de bas de page

  1. Patrick Jean-Baptiste, dans son Dictionnaire des mots français venant de l’hébreu et d’autres langues du levant pré-islamique (éditions du Seuil, Paris, 2010) offre à l’article « Juif » une discussion complète de l’histoire étymologique de cette désinence (p.311-315). L’interprétation de Yehūdã comme un anthroponyme théophore (« Gloire de Dieu ») et éponyme du territoire et de la tribu semble être une interprétation religieuse tardive, soit datant de l’époque du règne de Ḥizqiyyahu ou Yoshiyahu, soit de l’époque du Second Temple.

  2.  Voir Anson F. Rainey, "Unruly Elements in Late Bronze Canaanite Society" dans David Pearson Wright & al (editeurs). Pomegranates and Golden Bells: Studies in Biblical, Jewish, and Near Eastern Ritual, Law, and Literature in Honor of Jacob Milgrom,  Eisenbrauns Publisher (1995).

  3. Voir respectivement les articles

    • « Amorites » de W. Max Muller et Kaufmann Kohler  (Jewish Encyclopedia, 1906, vol.1 pp. 428-430).

    • « Hittites » de Richard Gottheil et Louis H. Gray (Jewish Encyclopedia, 1906, vol.6 pp.426-428).

    • « Hivites » de Joseph Jacobs et M. Seligsohn (Jewish Encyclopedia, 1906. vol.6 p.429). Ce terme serait une désignation générale des villageois cananéens des hautes terres.

    • « Jebusites » d’Emil G. Hirsch, M. Seligsohn, Solomon Schechter et Louis Ginzberg,  (Jewish Encyclopedia, 1906. vol.7 p.81)

    • « Perizittes » de Gotthard Deutsch et Schulim Ochser (Jewish Encyclopedia, 1906. vol.9 p.640). Les auteurs rappellent la vue savante traditionnelle selon laquelle les Perizzites auraient été une tribu préhistorique pré-sémitique, avant d’avancer que le nouveau consensus autour du terme Perizzites est que, sous ce vocable, les chroniqueurs bibliques désignent en fait toutes les populations cananéennes vivant dans des villages sans murailles. Cette hypothèse est aujourd’hui dominante ; Edwin C. Hostetter rattache le terme de Perizzite à l’hébreu Pêrāzōn (personnes rurales) dans son ouvrage de référence Nations mightier and more numerous : The Biblical view of Palestine’s pre-Israelite peoples (1995).

  4.  Voir : Lowell K. Handy, Among the Host of Heaven: The Syro-Palestinian Pantheon as Bureaucracy, Eisenbrauns (1994) et John Day Yahweh and the Gods and Goddesses of Canaan, Sheffield Academic Press (2002).

  5. Charles, Virolleaud Charles,  « La naissance des dieux gracieux et beaux. Poème phénicien de Ras Shamra ». In: Syria. Tome 14 fascicule 2, 1933. pp. 128-151.

  6.  Robert Grave et Raphael Pataï, Hebrew Myths: the book of Genesis (1963), traduction française Les Mythes Hébreux, Fayard, 1987.

  7. Voir respectivement les articles

    « Shahar » de S.B.Parker dans le DDD (1998), pp.554-555.

    « Shalem » de H.B.Huffmon dans le Dictionary of Deities and Demons in the Bible [DDD] (1998) pp. 555-557.

     « Moon » de B.B. Schmidt dans le DDD (1998) pp.585-593.

    Pour le catalogue des « Reines du Ciels » et leur place dans la religion cananéenne et hébraïque, une vaste littérature de qualité existe, citons de manière non exhaustive, outre les diverses entrées dans le DDD : Raphael Pataï The Hebrew Goddess”, Wayne State University Press; third edition (1990) ;  Tikva Frymer-Kensky In the Wake of the Goddesses: Women, Culture and the Biblical Transformation of Pagan Myth, Random House Publishing Group (1993), Tilde Binger, Asherah : Goddesses in Ugarit, Israel and the Old Testament, Sheffield Academic Press (1997) ; et enfin William G. Dever, Did God have a wife ? Archaeology and Folk Religion in Ancient Israel, William B. Eerdmans Publishing Company (2005). 

    « Shadday » de E.A.Knauf dans le DDD (1998) p.749-753.

    « Elyon » de E.E. Elnes et P.D. Miller, dans le DDD (1998) pp.293-299

    « Abraham » de M.Dijkstra dans le DDD (1998) pp.3-5. 

    « Sarah » de B. Becking dans le DDD (1998) pp.724-725. et les ouvrages de Sawina Teubal Sarah the Priestess : the First Matriarch of Genesis (1984) et Ancient Sisterhood: the lost tradition of Sarah and Hagar (1997) ainsi que Grave et Pataï op.cit.

  8. Voir : James Henry Breasted, “The Earliest Occurrence of the Name of Abram.” The American Journal of Semitic Languages and Literatures, vol. 21, no. 1, University of Chicago Press, 1904, pp. 22–36. and “The ‘Field of Abram’ in the Geographical List of Sheshonk.” Journal of the American Oriental Society, vol. 31, no. 3, American Oriental Society, 1911, pp. 290–9.

  9. Voir Robert Grave et Raphael Pataï, Hebrew Myths: the Book of Genesis, Seven Stories Press (2022).

  10. Adya Gur Horon, « Hébreux et Juifs », in Shem: Revue d’Action hébraïque, n°1, Juin 1939, pp.7-28.

  11. ‘Uzi Avner, “The Desert’s Role in the Formation of Early Israel and the Origin of Yhwh”. (2021). Entangled Religions, 12(2). https://doi.org/10.46586/er.12.2021.8889

  12. Voir l’ouvrage en anglais de Nissim Amzallag, Yahweh and the Origins of Ancient Israel: Insights from the Archaeological Record ( Cambridge University Press, 2023) et son ouvrage en français La forge de Dieu: aux origines de la bible (Éditions du Cerf, 2020)

  13. Voir : Norman K. Gottwald The Tribes of Yahweh: A Sociology of the Religion of Liberated Israel, 1250-1050 B.C.E., Sheffield Academic Press, (1999). 

  14. G.A. Barton, & T.H. Robinson, (1936). “The Possible Mention of Joshua’s Conquest in the El-Amarna Letters.” The Expository Times, 47(8), 380. https://doi.org/10.1177/001452463604700810 (Original work published 1936)

  15.  Jastrow, Morris. “The Men of Judah’ in the El-Amarna Tablets.” Journal of Biblical Literature 12, no. 1 (1893): 61–72. https://doi.org/10.2307/3259118

  16. Moshe Weinfeld, “Judges 1.1–2.5: The Conquest Under the Leadership of the House of Judah,” in A.G. Auld, ed., Understanding Poets and Prophets: Essays in Honour of George Wishart Anderson (Sheffield: Sheffield Academic Press, 1993), 388-400

  17. En Haute Mésopotamie, dans la vallée du Balikh et de la ville de Harran (la ville du dieu lune) (cf. André Lemaire, Histoire du Peuple Hébreu, Presses Universitaires de France, Paris, 1995, p.9) aujourd’hui en République Arabe Syrienne. 

  18. Sur l’effondrement de l’âge de bronze et la grande Völkerwanderung qui l'accompagne, voir le récent diptyque de Eric H. Cline 1177 av.J.C : le jour où la civilisation s’est effondrée (2016) et La survie des civilisations après 1177 av.J.C (2024), traduits en français aux Éditions de la Découverte.

  19. Israël Knohl, “Pharaoh’s War with the Israelites: The Untold Story”, Azure no. 41, Summer 5770 / 2010.

  20. L’identification entre les évènements décrits par la stèle de victoire de Merneptah et la bataille de Ma‘yān Mei Neftoaḥ (Yehoshua, 15:9 ; 18:15 ) est proposée par Paul Haupt, in “The Burning Bush and the Origin of Judaism.” Proceedings of the American Philosophical Society, vol. 48, no. 193, 1909, pp. 354–69. L’article de Thomas K. Cheyne “Nephtoah” (Encyclopaedia Biblica, volume III, p.377, colonne 3394 (1907)) propose une identification avec l’ancien village arabe palestinien de Liftaḥ à proximité de Jérusalem. 

  21. Voir Ibn Khaldûn, Discours sur l'histoire universelle : Al-Muqaddima, traduit de l’arabe, présenté et annoté par Vincent-Mansour Monteil, Actes Sud, 1997. Une autre traduction française réalisée par Abdesselam Cheddadi (2002) est disponible aux éditions de la Pléiade. 

  22. L’idée d’une monarchie unifiée dominée par Judah telle que présentée par le Tanakh à été très contestée par les milieux savants à la lumière des découvertes archéologiques de la fin des années 80 au début des années deux mille. Israël Finkelstein (Université de Tel-Aviv) en particulier, avec sa chronologie basse, contestait l’attribution des constructions monumentales faite par Yigal Yadin à la période de Salomon et les attribuait lui-même à la période d’Omri (voir The Bible Unearthed: Archaeology's New Vision of Ancient Israel and the Origin of Its Sacred Texts (2001) et David and Solomon: In Search of the Bible's Sacred Kings and the Roots of the Western Tradition (2006)). Néanmoins les récents travaux du professeur ‘Ezer ben-Yosef  (Université de Tel-Aviv) sur les exploitations minières de la ‘Arabah et du Negev, et du Professeur Avraham Faust (Université Bar-Ilan) dans son dernier ouvrage The Bible's First Kings: Uncovering the Story of Saul, David, and Solomon (2025), viennent étayer l’historicité de la monarchie unifiée tout en offrant de nouvelles perspectives sur son étendue, son fonctionnement social et politique et ses origines. Israël Finkelstein lui même dans son ouvrage The Forgotten Kingdom: The Archaeology and History of Northern Israel (2013) défend l’idée que Judah et Israël ont été unis sous une monarchie primitive, mais estime que c’est Judah qui s’est détaché du royaume de Sha‘ul après la sécession de David.

  23. Pour une exposition de la théorie documentaire, voir l’ouvrage de référence de Richard Elliott Friedman, Who wrote the Bible? (Simon & Schuster, troisième édition 2019). Sur la source J en particulier, et son origine dans les premiers temps de la monarchie de Jérusalem voir Harold Bloom et David Rosenberg The Book of J (1990) et Richard Elliott Friedman The Hidden Book in the Bible (1998). Eu égard aux sentiments choisis de Friedman pour Bloom, nous nous excusons de les citer dans la même note. 

  24. À noter que même si la question de la continuité avec la religion israélo-cananéenne est contestée, un phénomène similaire était observé dans la religion populaire arabe en Palestine avant la guerre d’indépendance israélienne de 1947-1949, voir à ce sujet : Tewfik Canaan, Haunted Springs and Water Demons in Palestine, (1922) et  Mohammedan Saints and Sanctuaries in Palestine, (1927).

  25. Voir Yehezkel Kaufmann, The Religion of Israel from its beginnings to the Babylonian exile (translated and abridged by Moshe Greenberg) Sefer veSefel Publishing, Jérusalem, 2003, pp.63-66. et Edward Langton Essentials of Demonology: A Study of Jewish and Christian Doctrine, Its Origin and Development,  Wipf and Stock, Eugene, Oregon, 2014.

  26. Voir notamment W. Robertson Smith, The Religion of the Semites : The Fundamental Institutions (1889), pp.489 passim ; Tewfik Canaan, Haunted Springs and Water Demons in Palestine, (1922) et  Mohammedan Saints and Sanctuaries in Palestine, (1927) p.3 passim

  27. Le sacrifice propitiatoire du premier né semble avoir été pratiqué par les rois de Judah dans le cadre de rites de fertilité ou guerriers, tel qu’en témoignent 2 Rois 16:3 ; 2 Chroniques 33:6 ; voir aussi l'épisode dans Juges 11:31. Ces pratiques suscitent évidemment l’opposition du législateur biblique (Deutéronome 12:31 & 18:9-12 ; Lévitique 18:22-23).

  28. C’est l’un des sens que l’on peut attribuer au Shema‘ Yīsra’Ēl.

  29. Richard Lederman, "Nehushtan, the Copper Serpent: Its Origins and Fate" TheTorah.com (2017). https://thetorah.com/article/nehushtan-the-copper-serpent-its-origins-and-fate

  30. Bianchi, R.S. “A Bronze Reliquary for an Ichneumon Dedicated to the Egyptian Goddess Wadjet”. Arts 2022, 11, 21. https://doi.org/10.3390/arts11010021

  31. Inscriptions royales assyriennes. 

  32. Voir à ce propos le beau livre de Joshua Trachtenberg Jewish Magic and Superstition: A Study in Folk Religion, Martino Publishing (2013).

  33. Israel Finkelstein, The Bible unearthed op.cit.

  34. Adolphe Lods, Les prophètes d’Israël et les débuts du Judaïsme, Albin Michel, 1969 p.181

  35. Avraham Faust, Judah in the Neo-Babylonian Period: The Archaeology of Desolation, Society of Biblical Literature, 2012.

  36. Voir Yehezkel Kaufmann, The Religion of Israel from its beginnings to the Babylonian exile, op.cit. p.148-149 et Bezalel Porten, Archives from Elephantine: the Life of an Ancient Jewish Military Colony, University of California Press (1968).

  37. Nathan Steinmeyer, “A Jewish Curse Text from Elephantine: Evidence of Yahweh worship from Late Period Egypt”, Biblical Archaeology Society, Octobre 2023.

  38.  Indépendamment de la datation du texte de la Torah, soit préexilique ou post-exilique, il apparaît que son autorité normative hors des cercles sacerdotaux et pour l’ensemble du peuple ne sera pleinement établie que sous la dynastie Hasmonéenne (141-66), tel que le démontre Yonatan Adler, dans son ouvrage The Origins of Judaism, an archaeological-historical reappraisal, Yale University Press (2022).

Bibliographie

De nombreux articles et ouvrages sont cités dans les notes de bas de page, le lecteur est invité à les consulter pour approfondir les divers éléments de cet essai. Citons néanmoins quelques ouvrage introductifs qui nous semblent les plus importants : 

  • Robert Grave et Raphael Pataï, “Hebrew Myths: the Book of Genesis”, Seven Stories Press (2022)

  • Raphael Pataï, “The Hebrew Goddess”, Wayne State University Press; troisième édition (1990)

  • Theodor Reik, “Pagan Rites in Judaism : From Sex-initiation, Moon-cult, Tattooing, Mutilations and other Primitive Rituals to Family Loyalty and Solidarity”, Gramercy Publishing (1964) 

  • Karel van der Toorn et al. (éditeur) “Dictionary of Deities and Demons in the Bible”, Brill, seconde édition corrigée et étendue (1999). 

  • Par ailleurs, L’“Encyclopædia Biblica: A Critical Dictionary of the Literary, Political and Religion History, the Archeology, Geography and Natural History of the Bible” (1899-1907) éditée par Thomas Kelly Cheyne et John Sutherland Black, et “The Jewish Encyclopedia: A Descriptive Record of the History, Religion, Literature, and Customs of the Jewish People from the Earliest Times to the Present Day” (1901-1906) éditée par Isidore Singer, Isaac K. Funk et Frank H. Vizetelly, restent, malgré leurs publications respectives il y a plus de cent-vingt ans, des ressources inégalées à ce jour et heureusement accessibles à tous dans des versions numérisées en ligne. 

  • En français citons enfin le récent ouvrage publié par David Haziza Mythes juifs : le retour du sacré (Calmann-Lévy, 2024).

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